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La guerre la drogue aux tats-Unis aprs le 11 septembre 2001

Laurent Laniel

Diplomatie Magazine , N 1, janvier-fvrier 2003

Le narcoterrorisme consacre lunion de deux dmons amricains, la drogue et le terrorisme, qui se renforcent mutuellement et constituent un mal doublement effrayant. De ce fait, laccusation de narcoterroriste discrdite aux yeux de lopinion publique les organisations ainsi qualifies en tant leur action toute justification politique pour les faire apparatre comme purement criminelles. En revanche, elle confre ceux qui se posent comme les combattants du dmon une lgitimit toute preuve ainsi quune marge de manuvre considrable quant aux moyens. Lappareil antidrogue de la police amricaine trouve ds lors dans le narcoterrorisme une nouvelle crdibilit et lui permet de conserver ses prrogatives et ses financements: le budget antidrogues 2003 (19,5 milliards de dollars) consacrera ainsi 67,2% des fonds la rpression et seulement 32,8% la prvention et au traitement.

Rappel du discrdit de la guerre la drogue

La menace narcoterroriste vient point nomm pour lgitimer les positions des tenants de la politique ultra-rpressive connue sous le nom de guerre la drogue. Car depuis son lancement sous ladministration Reagan au dbut des annes 1980[1], cette politique sest vue largement dcrie pour ses consquences nfastes par de nombreux universitaires, mdias libraux et associations de dfense des droits de lHomme et des droits civiques. Furent notamment dnoncs ses effets discriminatoires catastrophiques lencontre des catgories sociales les plus dfavorises et des minorits ethniques. Il a t ainsi dmontr que la guerre la drogue a largement contribu lexplosion sans prcdent de la population carcrale amricaine. Plus de 2,1 millions de personnes sont actuellement enfermes dans des milliers de geles, dont prs de 300 sont aux mains dintrts privs, un peu partout aux tats-Unis. Et comme plus de la moiti des prisonniers sont des Noirs, de nombreux Amricains sont convaincus que la guerre la drogue est un moyen implicite de sgrgation raciale. Les dtracteurs de la guerre la drogue font valoir que celle-ci sattaque aux symptmes les plus visibles de lapartheid social, de la pauvret et de la rpartition ingale des richesses qui rgnent aux tats-Unis, mais en aucun cas leurs causes, quelle ne fait que renforcer, que lampleur des moyens allous la mise en application des lois antidrogues contrastent fortement avec lindigence de la lutte contre le blanchiment dargent et la criminalit financire, et que les financements de la guerre la drogue ont t pris sur les budgets de lՎducation, de la sant et des affaires sociales. En Amrique latine, cette guerre la drogue est avant tout perue comme un instrument de domination, dingrence et de recyclage des armes locales, en mal de mission aprs la disparition de la menace communiste. Avec, l encore, une kyrielle de violations des droits de lHomme. Si encore ces effets pervers taient le prix de lefficacit... Mais malgr un budget de plusieurs milliards de dollars en augmentation constante depuis 20 ans, et quoiquen disent ses promoteurs, la guerre la drogue nest pas parvenue rduire la consommation et le trafic de drogues de manire significative. Quant la production de drogues, en Amrique latine comme dans le reste du monde, elle a plus que doubl en 20 ans...

A la fin des annes 1990, de nombreux lus et fonctionnaires amricains dnoncent la guerre la drogue comme un chec coteux et rclament sa rorientation en faveur du traitement de la demande de drogues. Cette position se cristallise lՎt 1999, date laquelle la Cour des comptes amricaine (General Accounting Office GAO) qui dpend du Congrs consacre un rapport trs critique aux oprations de la Drug Enforcement Administration (DEA), la police antidrogue fdrale, durant les annes 1990[2]. Cre par Nixon en 1973 au sein du Dpartement de la Justice, la DEA constitue le fer de lance de la guerre la drogue ainsi que la gardienne idologique de lapproche rpressive. Le rapport du GAO donna lieu une audience la Chambre, fin juillet 1999, o les reprsentants firent passer un bien mauvais quart dheure lAdministrateur de la DEA dalors, Donnie Marshall. Comme la rapport la presse, Marshall dut dabord reconnatre: Rellement, nous ne pouvons pas rduire les flux de drogues qui entrent aux tats-Unis; puis admettre: La cl du problme est dans lՎducation. Fait sans prcdent, des lus contraignaient le premier policier antidrogue du pays recommander implicitement la rvision de fond en comble de la stratgie amricaine de lutte contre les stupfiants. Un consensus sՎtablissait donc sur la ncessit de concentrer les ressources sur le traitement de la demande, et lapproche guerrire paraissait devoir sՎcrouler sous le poids de ses contradictions internes et de son inefficacit. Confirmation que ce consensus sՎtendait une grande partie de la population, le succs au box-office du film Traffic. Sorti en 2000, cette production hollywoodienne de Steven Soderbergh montrait lՎchec et quelques-uns des effets pervers du tout-rpressif en matire de drogues.

Les guerriers au pouvoir

Paradoxalement, la prise de fonction dun prsident conservateur en janvier 2001 sembla dans un premier temps confirmer la rorientation de la lutte antidrogue aux tats-Unis au profit dune rduction de la demande ou de lusage de drogues. Cest en substance ce que proposa le prsident George W. Bush en dclarant le 10 mai 2001: La faon la plus efficace de rduire loffre de drogues en Amrique est de rduire la demande de drogues en Amrique. Toutefois, deux indices forts suggraient quil sagissait l dune concession purement rhtorique aux opposants du tout-rpressif.

Le premier indice est celui du budget antidrogue de 19,20 milliards de dollars prvu pour 2002 et rendu public dbut 2001: il ne diffrait en rien des prcdents puisquil consacrait 69% des fonds la rpression, contre 31% la prvention et au traitement. Rien navait chang depuis vingt ans: cest le Dpartement de la Justice et non celui de la Sant qui se voyait attribuer lessentiel des crdits du budget antidrogue fdral de 2002. Et ce sont deux de ses agences, respectivement lU.S. Bureau of Prisons (BOP qui gre le systme carcral fdral) et la DEA, qui taient les mieux dotes. Il faut rappeler que 60% des dtenus des prisons fdrales, et 25% de tous les dtenus amricains, ont t condamns pour infractions aux lois antidrogues. Cest dire si la poursuite de la guerre la drogue apparat essentielle aux puissants lobbies publics et privs qui vivent de lindustrie carcrale aux tats-Unis (voir Le Goulag amricain sur DrugSTRAT).

Lors de la prise de fonction de George W. Bush, la nomination dadeptes de la guerre la drogue des postes cl de ladministration amricaine constitue un second indice particulirement rvlateur. John Ashcroft, un conservateur proche de la droite religieuse, fut ainsi nomm au poste stratgique dAttorney General (chef du Dpartement de la Justice), malgr la leve de boucliers des dfenseurs des droits civiques (ceux des Noirs en particulier). Lorsquil tait snateur rpublicain, Ashcroft sՎtait systmatiquement oppos toute dpense visant traiter la demande de stupfiants et avait prsent plusieurs projets de loi antidrogues particulirement rpressifs. Dailleurs, peu aprs sa nomination en fvrier 2001, le nouvel Attorney General ne fit pas mystre de ses intentions: Je veux intensifier la guerre la drogue. Je veux la renouveler, la rafrachir, la relancer pour ainsi dire.

George W. Bush obtint ensuite, malgr une trs vive opposition, la nomination dOtto Reich citoyen amricain dorigine cubaine comme secrtaire dՃtat adjoint pour lHmisphre occidental. A ce poste, il participe la mise en uvre des programmes antidrogues et antiterroristes financs par les tats-Unis dans les Amriques, et a de frquents contacts avec les gouvernants de la rgion. Anti-castriste militant, protg du puissant ex-snateur sudiste Jesse Helms, Otto Reich est un personnage trs controvers. Mais il est vrai quon ne peut lui nier une certaine exprience en matire de narcoterrorisme (VOIR ICI ).

En aot 2001, George W. Bush dsigna, cette fois sans anicroche, Asa Hutchinson, lu rpublicain la Chambre des reprsentants, pour diriger la DEA. Hutchinson est un ancien procureur fdral qui a toujours t favorable lapproche rpressive tout en passant pour tre modr.

Enfin, le prsident George W. Bush proposa de nommer directeur de lOffice de la politique nationale de contrle des drogues (ONDCP), cest dire Tsar antidrogue (poste de rang ministriel), lultra-conservateur John P. Walters. Comme Ashcroft, Walters est proche de la droite religieuse. Il est connu pour tre un dfenseur ardent de lemprisonnement aux tats-Unis et de la militarisation en Amrique latine, ainsi quun opposant froce au traitement de la demande. Mais usant de la vieille tactique connue Washington sous le nom de confirmation conversion (conversion en vue de confirmation), Walters se dclara favorable la prvention et au traitement de lusage de drogue lors de laudience du comit snatorial charg de confirmer sa nomination, le 10 octobre 2001. Il fallut cependant attendre huit mois pour que le Snat entrine la nomination de cet ancien directeur par intrim de lONDCP sous ladministration de George Bush Senior. Malgr lopposition des congressmen noirs, proccups par son insensibilit en matire de justice raciale, Walters entra en fonction mi-dcembre 2001. De lavis gnral, cest le repli scuritaire provoqu par le 11 septembre 2001 qui fit pencher une majorit de snateurs en sa faveur.

Laprs 11 septembre: propagande et concurrence budgtaire

Dans un premier temps, les attentats de New York et Washington parurent jouer au dtriment des guerriers antidrogues. Sous le choc, les tats-Unis avaient bien dautres proccupations que la lutte contre les stupfiants. En raction, des agents de la DEA donnrent des interviews alarmistes la presse. En substance, il fut dit que les trafiquants profitaient de la dsorganisation des services de police suite aux attentats pour introduire dՎnormes quantits de drogues dans le pays et le dstabiliser. Il faut dire que le FBI et la CIA, depuis longtemps jaloux du budget de la DEA et soucieux de dtourner lattention de leur incapacit empcher les attentats, sappuyaient sur le rapport critique du GAO dj cit pour rclamer, en priv, le dmantlement pur et simple de la DEA.

Le directeur de la DEA se lana ds lors dans une opration de propagande de la menace narcoterroriste afin de sauver lautonomie et le budget de son agence. Ds le 3 octobre 2001, Hutchinson insistait au Snat sur la contribution essentielle de la DEA la lutte contre le terrorisme: Les renseignements de la DEA confirment lexistence dun lien entre les taliban qui gouvernent lAfghanistan et le terroriste international Oussama ben Laden. Bien que la DEA nait aucune preuve directe de limplication de ben Laden dans le trafic de drogues, le sanctuaire dont il bnficie est bas sur le soutien que les talibans fournissent au trafic de drogues [...]. Et de conclure: La DEA poursuivra avec ardeur son effort [...] contre les organisations de trafic de drogues qui contribuent au terrorisme mondial. Ainsi, nous restreindrons leurs capacits [...] utiliser leurs marchandises destructrices comme source de financement dattaques vicieuses contre lHumanit et lՃtat de droit. En ces termes un rien apocalyptiques, le directeur de la DEA tablissait un lien entre drogue et terrorisme, lien encore indirect, mais dont la nuance disparatra lors de ses nombreuses dclarations ultrieures. Ainsi, le 29 octobre 2001, le chef de la DEA nhsita pas comparer, lors dune dposition au Snat, le clbre narcotrafiquant colombien Pablo Escobar Adolf Hitler...

Le 4 dcembre 2001, la DEA organisa un Symposium national sur le narcoterrorisme. Parmi les invits, aucun opposant lapproche guerrire mais lՎlu rpublicain Mark Souder. Selon lui, la cause de lusage de drogue est le pch et le mal et le remde, puisque aucun gouvernement ne peut liminer le pch, est la contention (containment)... Notons ici un glissement du discours conservateur qui, il ny a pas si longtemps, visait encore lՎradication totale des drogues, et la remise au got du jour de la notion de Containment tombe dans loubli la fin de la Guerre froide.

La nouvelle menace reut enfin lonction prsidentielle le 14 dcembre 2001 lorsque Bush dclara: Il est particulirement important que les Amricains sachent que le trafic de drogues finance la terreur, quil soutient les terroristes, que les terroristes utilisent les profits de la drogue pour [...] commettre des actes meurtriers. Arrter de prendre de la drogue, cest se joindre au combat contre la terreur en Amrique. Cette dclaration peut tre interprte comme une tentative de lutte contre la demande de drogues par un appel au patriotisme des consommateurs amricains. Mais, inversement, elle signifie aussi que continuer prendre de la drogue, cest faire le jeu des terroristes. La consommation de drogues est ainsi aisment assimilable une aide au terrorisme... Et ce nest pas la dfinition du narcoterrorisme que livra finalement Hutchinson au Congrs en mars 2002 qui lve lambigut: le narcoterrorisme est un sous-ensemble du terrorisme, dans lequel des groupes terroristes, ou des individus associs, participent directement ou indirectement la culture, la fabrication, le transport ou la distribution de substances contrles et aux bnfices que ses activits procurent. De plus, le narcoterrorisme peut tre caractris par la participation de groupes dindividus associs la taxation, la scurisation et toute autre activit de soutien ou dencouragement au trafic de drogue dans le but de promouvoir ou de financer des activits terroristes.

LONDCP du nouveau Tsar Walters participe galement la promotion de la nouvelle menace. Sa mission est de la diffuser auprs du public le plus large en utilisant une intense campagne publicitaire multimdia. Ainsi, le 3 fvrier 2002, loccasion de la finale du Super Bowl (le championnat de football amricain, qui ralise la plus grosse audience tlvisuelle chaque anne aux USA), lONDCP commena mdiatiser le narcoterrorisme au moyen de spots tlviss, dencarts dans 293 journaux et de sites Internet ddis, tels www.theantidrug.com.

Dans la foule, le 18 mars 2002, la premire mesure concrte est lance, alors que les lgislateurs discutent des budgets au Congrs. Annonant linculpation de sept personnes, dont trois gurilleros colombiens des FARC, pour association de malfaiteurs en vue dimportation de cocane aux tats-Unis, John Ashcroft croit bon de prciser: Cette inculpation marque la convergence de deux des principales priorits du Dpartement de la Justice, la prvention du terrorisme et la rduction de lusage illgal de drogues. Aujourdhui, des cadres des FARC sont inculps non parce quils sont des rvolutionnaires ou des combattants de la libert, mais parce quils sont des trafiquants de drogues. Ainsi, la consquence la plus immdiate de ladoption du narcoterrorisme est quelle relgitimise une guerre la drogue totalement discrdite. Elle permet non seulement de repousser sine die des rformes qui, jusquau 11 septembre 2001, semblaient inluctables, mais elle contribue galement dvelopper un peu plus lappareil amricain de rpression des stupfiants sous prtexte de guerre contre laxe du mal.

Dans cette perspective, la DEA dcida de commmorer le premier anniversaire des attentats en ouvrant au public, le 10 septembre 2002, une exposition subtilement intitule Target America. Traffickers, Terrorists and You (LAmrique dans la ligne de mire. Trafiquants, terroristes et vous). Dote dun budget de 650000 dollars et destine officiellement duquer le public amricain sur le lien entre drogue et terreur, cette exposition itinrante parcourt le territoire amricain ds janvier 2003. Plaant cte cte des dbris du World Trade Center et des outils servant la rcolte de lopium, cette exposition a suscit lindignation dassociations qui accusent la DEA dexploiter sans vergogne la mmoire des victimes pour sa propre promotion.

La propagande se poursuit actuellement, lexcutif amricain lgitimant la guerre la drogue par lexistence dune relation symbiotique entre drogue et terrorisme, autour de cinq piliers:

LՎconomie: la drogue finance les terroristes; les terroristes protgent les oprations des trafiquants;

La logistique: trafiquants et terroristes utilisent les mmes moyens et les mmes tactiques;

Lhistoire: dans laprs-guerre froide, les terroristes auparavant financs par des tats doivent avoir recours au trafic de drogues;

La pharmacologie: daprs Rand Beers, secrtaire dՃtat adjoint pour les affaires de drogues et de criminalit: Certains terroristes pensent quils peuvent affaiblir leurs ennemis en inondant leur socit de drogues addictives;

Et surtout, laxiologie, les valeurs: Asa Hutchinsondclare [Les terroristes] savent que, petit petit, labus de drogue ronge nos valeurs essentielles [...] LAmrique est le phare de la dmocratie dans le monde [...] La culture de la drogue rode jusquՈ la destruction tout ce qui est ncessaire au fonctionnement de la dmocratie. Les terroristes ont parfaitement compris cela.

De la lutte antidrogue lՎlargissement des zones dintervention

Les services amricains antidrogues et antiterroristes sont transnationaliss, cest dire quils agissent aussi bien lintrieur quՈ lextrieur des tats-Unis. Cependant, le narcoterrorisme semble jusquici rserv lusage externe. Ainsi, pour le Dpartement dՃtat, un certain nombre dorganisations armes incarnent cette nouvelle menace, sont dsormais tiquetes narcoterroristes et inscrites sur une liste noire dsignant cinq zones dintervention potentielle, dont lEurope[3]:

Amrique latine: FARC, ELN, AUC, Sentier Lumineux, Groupes islamiques de la Triple Frontire[4];

Asie du Sud et ex-URSS: Al Qaida, Groupes militants du Cachemire, LTTE, Mouvement islamique dOuzbkistan;

Asie du Sud-Est: UWSA, Groupe Abu Sayyaf;

Moyen-Orient: Hezbollah (Liban), Jihad Islamique palestinienne;

Europe: PKK, Real IRA, ETA.

Les critres utiliss pour laborer cette liste sont flous, voire arbitraires. On note surtout labsence de lAlliance du Nord, organisation arme afghane implique dans le trafic de drogue mais allie des tats-Unis. Rappelons au passage que le complexe afghano-pakistanais de lopium-hrone est un pur produit de la guerre contre linvasion sovitique de lAfghanistan. Avant 1979, lAfghanistan produisait des quantits minimes dopium. Lorsque les Sovitiques se retirrent, ce pays tait devenu le premier producteur mondial dopium, matire premire de lhrone. Cest que les rsistants afghans, du seigneur de la guerre ouzbek Dostom lintgriste pashtoun Hekmatyar, se lancrent dans la culture et le trafic dopium grande chelle pour financer leurs achats darmes. La rsistance afghane tait alors soutenue par la CIA, qui sous-traitait son appui logistique lInter-Services Intelligence (ISI), le renseignement militaire pakistanais. Les camions affrts par lISI se rendaient en Afghanistan chargs de matriels militaires, et en revenaient bourrs dopium, de morphine ou dhrone... La campagne victorieuse contre les taliban, longtemps soutenus tacitement par les tats-Unis, semble elle aussi avoir dop la production dopium en Afghanistan. Les Nations Unies annonaient rcemment quen 2002 la rcolte afghane dopium atteindrait le chiffre record de 3400 tonnes, permettant thoriquement de fabriquer 340 tonnes dhrone...

Les liens entre trafic de drogues et organisations armes subversives ou tatiques nayant rien de nouveau, la nouveaut rside bien ici dans leur instrumentalisation par lExcutif amricain afin de justifier officiellement la poursuite de la guerre la drogue au nom de la lutte antiterroriste. Cette posture permet de redorer le blason de la DEA et, plus largement, de restaurer la lgitimit de toute la composante rpressive de lappareil transnational antidrogues amricain. La DEA se dit ainsi prte pour ce nouveau rle, dans lequel elle voit des possibilits dexpansion. Asa Hutchinson, toujours lui, dclarait ainsi au Snat, le 13 mars 2002 en plein dbat budgtaire: La DEA a des bureaux partout dans le monde [...] Afin damliorer lefficacit de la DEA, plusieurs initiatives ont t proposes. Parmi elles, lOperation Containment, une initiative de la DEA prvoyant notamment louverture dun bureau Kaboul et lexpansion des bureaux existant dans certaines villes dEurope et dAsie, ainsi que la croissance des capacits dinterception et de renseignement de la DEA afin de soutenir les agences qui luttent contre le terrorisme en Amrique. Mais la DEA nest pas la seule avoir parfaitement compris le bnfice tirer du narcoterrorisme. La concurrence aussi avance ses pions. Cest ainsi que le 14 mars 2002, le commandant des Gardes Ctes Jim McPherson dclarait au Washington Post: Aujourdhui, nous arrtons des contrebandiers de drogues, mais il pourrait tout autant sagir de terroristes [...] Il faut que nous repoussions la frontire au large.



[1] En fait, la premire Guerre la drogue amricaine a t lance par le prsident Nixon au dbut des annes 1970. Elle a ensuite t mise en veilleuse par Carter (1976-1980), puis reprise par Reagan (1980-1988), et renforce par Bush Senior (1988-1992). Clinton (1992-2000) a tent de lattnuer, mais en vain, notamment du fait de proccupations lectoralistes.

[2] GAO: DEAs Strategies and Operations in the 1990s, GGD-99-108, Washington, July 21, 1999.

[3] Liste labore partir de deux documents officiels contenant chacun douze organisations narcoterroristes: celui diffus par lONDCP sur Internet et celui prsent au Snat le 13 mars 2002 par Beers. Les organisations notes en italiques sont celles qui sont cites dans lun de ces deux documents seulement.

[4] Voir AEGD: Drogue et terrorisme, scurit renforce, Lettre Internationale des Drogues, n 2, novembre 2001.


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