Homepage

L’encartement des nationaux comme réponse au terrorisme : Regards croisés sur les cas français et britannique

Laurent Laniel (Inhes) et Pierre Piazza (Université de Cergy-Pontoise)


Une version légèrement différente de cet article a été publiée dans Xavier Crettiez et Pierre Piazza (dir.), Du papier à la biométrie. Identifier les individus, Presses de Science Po, Paris, juin 2006


L’idée de recourir à des procédures étatiques d’identification pour lutter contre le terrorisme est loin d’être récente. L’historien Bernard Lewis indique par exemple que certains gouvernements musulmans et chrétiens mirent en place, dès le Moyen-âge, un dispositif de renseignement couplant identification exhaustive et contrôle des mouvements de population pour faire face aux actes terroristes perpétrés au Moyen-Orient par la secte des Nizârites, plus connus en Europe sous le nom « d’Assasins » [1]. Ainsi, en 1121, le vizir Al-Ma‘Mûn, désireux de débarrasser l’Égypte fâtimide et sa capitale des Nizârites, fit procéder au Caire à l’enregistrement systématique du « nom de tous les habitants, rue par rue et quartier par quartier » et interdit « à quiconque de déménager sans son autorisation expresse ». La surveillance s’appuyait aussi sur des données relatives aux surnoms, à la situation et aux moyens d’existence de ces mêmes habitants ainsi que sur des informations concernant les noms de tous les étrangers qui leur rendaient visite. De la sorte, rien de ce qui concernait les affaires de quiconque n'échappait au vizir[2]. Enfin, ce dernier instaura le questionnement individuel systématique de tous les étrangers arrivant aux frontières de l’empire et aux portes du Caire[3].

Avec l’essor de la papiérisation des identités qui est au cœur des logiques et de la consolidation de l’État-nation[4], émerge également, quelques siècles plus tard, l’idée selon laquelle la promotion de l’encartement des nationaux ou son perfectionnement peut constituer une solution susceptible d’améliorer la lutte policière à l’encontre des terroristes. Ainsi, en France, à la suite de l’attentat commis le 9 octobre 1934 à Marseille par des Oustachis croates, qui causa la mort du roi Alexandre 1er de Yougoslavie et du ministre français des Affaires étrangères Louis Barthou, un habitant de Saint-Étienne écrivit au ministre de l’Intérieur pour lui suggérer de profiter de l’occasion afin d’instituer une carte d’identité obligatoire pour toute personne âgée d’au moins 16 ou 18 ans. Et ce Français de préciser : « Moins d’un an après l’institution de cette carte, vous pourriez supprimer la moitié de la police de sûreté et de ses services et même la police en uniforme. Pas un hôtelier ne devrait loger un individu, inconnu de lui, homme ou femme, sans avoir vérifié la concordance de la photographie, et noté les principales indications sur un registre[5]. » Cette préoccupation n’est alors pas seulement celle de quelques citoyens isolés puisque, après l’émotion suscitée par l’assassinat de ces deux personnalités, le ministre de l’Intérieur charge le Directeur du service de l’Identité judiciaire de la Préfecture de police de Paris de réaliser une étude approfondie sur l’emploi des empreintes digitales. Dans son rapport d’avril 1935, ce dernier préconisera de doter l’ensemble des Français d’une carte d’identité sur laquelle seraient apposées les empreintes digitales de leurs dix doigts et de créer un Office d’identification civil regroupant ces mêmes empreintes en un lieu unique[6].

Ce n’est cependant qu’à partir de la fin des années 1970 et du début des années 1980[7] que la nécessité de lutter contre le terrorisme est de plus en plus systématiquement mis en avant par les pouvoirs publics afin de légitimer la nécessité d’instaurer de rigoureux dispositifs d’identification des citoyens, via l’introduction d’une carte d’identité informatisée. Cela est particulièrement flagrant en France et en Grande-Bretagne. Et c’est même paradoxal puisque, jusqu’à présent, ces deux pays ont eu en matière de mise en carte de leurs nationaux, des trajectoires historiques très divergentes[8]. Néanmoins, durant la période 1970-80, comme après septembre 2001, la rhétorique développée par les autorités des deux pays en vue de justifier leurs nouveaux projets d’encartement des nationaux faisant appel à la biométrie (projet INES[9] en France et projet « Identity Cards » en Grande-Bretagne[10]) est apparue extrêmement floue. L’idée selon laquelle la carte nationale d’identité permettrait de lutter plus efficacement contre les terroristes ne relève, il est vrai, pas de l’évidence. Il n’est dès lors pas étonnant que son évocation systématique par les instances étatiques constitue une des principales raisons expliquant l’ampleur des résistances suscitées par leurs entreprises de mise en carte et la situation délicate dans laquelle ces mêmes instances se trouvent désormais pour les faire aboutir.

I - La carte nationale d’identité enrôlée dans la lutte anti-terroriste

A - Genèse d’un mode de légitimation évasif

À la suite de réunions officielles consacrées à l’immigration (comités interministériels des 24 août, 3 septembre et 7 décembre 1977) et à la sécurité (conseil restreint tenu à l’Elysée le 25 novembre 1977), la création d’une carte nationale d’identité informatisée devient, à la fin des années 1970, une priorité du ministère de l’Intérieur qui entend ainsi afficher sa détermination à apporter des solutions appropriées aux phénomènes menaçant la sécurité des français : criminalité et délinquance, immigration clandestine et… terrorisme. Ce projet est conduit par la Direction de la réglementation et du contentieux du ministère de l’Intérieur[11]. Dans une note en date du 13 juillet 1978 adressée au ministre de l’Intérieur Christian Bonnet, elle précise : « Les documents en service actuellement présentent des défauts importants […] Cette absence de garanties facilite les agissements des terroristes qui peuvent ainsi utiliser différentes identités et échappent aux recherches[12]. » Par la suite, cette raison sera avancée de manière récurrente par le ministère de l’Intérieur, notamment pour justifier, en novembre 1979, l’importance de son projet devant la CNIL[13].

Quelques années plus tard, en mars 1986, le thème de l’insécurité, devenu notamment prioritaire du fait de la série d’attentats commise à Paris au cours de l’année 1985, s’impose encore lors de la campagne pour les élections législatives. Juste après sa nomination à la fonction de Premier ministre, Jacques Chirac fait adopter en Conseil des ministres quatre projets de loi visant à donner à la police et à la justice « les moyens indispensables » dont elles ont besoin pour combattre l’insécurité[14]. Dans le cadre de cette politique, il promeut un nouveau projet de loi de carte nationale d’identité sécurisée qui est alors présenté comme un des volets de son dispositif anti-terroriste. C’est sous le titre « Le défi du terrorisme » que J. Chirac évoque, lors de son discours-programme à l’Assemblée nationale d’avril 1986, la création de documents d’identité infalsifiables. De même, dans le chapitre consacré à la « sauvegarde de la sécurité des personnes et des biens et au renforcement de la lutte contre le terrorisme », le communiqué officiel du Conseil des ministres du 25 avril 1986, fait référence à un projet de loi qui sera déposé devant le Parlement afin d’instituer une carte nationale d’identité infalsifiable[15]. Si l’argumentaire de la lutte anti-terroriste refait son apparition, il est, une fois de plus, peu étayé par les pouvoirs publics. À cette époque, ces derniers se contentent d’indiquer que la zone de lecture optique dont sera pourvu ce titre (qui ne sera pourtant pas utilisée en pratique car le ministère de l’Intérieur ne s’est jamais doté des matériels de lecture ad hoc) permettra aux forces de police et de gendarmerie d’interroger le fichier national des cartes d’identité ou celui des personnes recherchées[16]. Ils font aussi allusion au « retard » pris par la France par rapport à d’autres pays comme la RFA où, par exemple, en avril 1986, le Bundestag a voté une loi instituant une carte nationale informatique sécurisée en vue de mieux faire face à l’activité terroriste[17].

De même, au cours de la décennie 1980-1990, la question terroriste fait son apparition dans les débats relatifs à l’encartement des Britanniques. En 1985, une proposition de loi du député conservateur John Biggs-Davison se prononce en faveur de l’institution d’une carte nationale d’identité dont, précise-t-il, un des objectifs sera de combattre plus efficacement l’IRA. Cet élu n’apporte cependant aucune précision sur la manière dont la carte contribuera effectivement à améliorer la lutte anti-terroriste[18]. Quatre ans plus tard, le député conservateur Ralph Howell dépose une autre proposition de loi (National Identity Card Bill) devant la Chambre des Communes. Pour expliquer combien la carte d’identité qu’il souhaite instaurer serait précieuse pour combattre le terrorisme, Howell se contente d’évoquer deux évènements : le crash de Lockerbie et le fait que deux journalistes déguisés en membres du personnel de nettoyage soient parvenus à s’introduire sans autorisation dans un avion à l’aéroport d’Heathrow. Lorsqu’on lui demande d’être plus explicite, Howell réplique qu’il ne désire pas s’étendre sur cet attentat. Il indique aussi que grâce à « sa » carte d’identité les entreprises pourront avoir une meilleure connaissance de leurs employés, avant d’affirmer que ce document permettra surtout de combattre une criminalité qualifiée de « problème encore plus important que le terrorisme[19] ». Les autres députés conservateurs favorables à cette proposition de loi tiennent des propos tout aussi évasifs. Ainsi, Roy Beggs, seul élu mentionnant alors explicitement le terrorisme irlandais lors des débats, déclare : « Je félicite […] le député Howell d’avoir proposé cette loi et d’y avoir fait figurer l’Irlande du Nord dès le départ. L’absence d’une carte nationale d’identité permet à des individus aux intentions criminelles de traverser, sans entrave aucune, le pays dans l’anonymat le plus complet et dans la quasi certitude de ne jamais rencontrer le moindre obstacle. Ils peuvent ainsi se livrer à des vols, ou commettre des attentats terroristes comme c’est le cas en Irlande du Nord. Je suis persuadé que le meilleur moyen d’avancer est de rendre la carte d’identité obligatoire, le fait d’être obligé de porter en toute circonstance une carte d’identité constituera ainsi, peut-être pour la première fois, un risque supplémentaire pour les personnes malfaisantes qui sévissent hors de leur région d’origine, où elles sont connues et peuvent être reconnues. Je pense que la carte pourrait considérablement aider nos services de police et de sécurité, et je pense d’ailleurs qu’une activité policière accrue est nécessaire en la matière[20] ».

On ne trouve guère plus de précisions dans les déclarations officielles formulées au cours des années 1990, une décennie pendant laquelle les initiatives en faveur de l’encartement se sont faites plus nombreuses et pressantes, surtout en lien avec le problème nord irlandais. En mars 1991 à la Chambre des Communes, le député David Trimble, chef de file des loyalistes d’Ulster, tente d’inclure dans le projet de loi Northern Ireland Bill une clause instituant un dispositif de carte d’identité obligatoire destiné à lutter contre le terrorisme en Irlande du Nord. Mais en vain, car de l’aveu même de membres ou de proches du gouvernement conservateur d’alors, la manière dont cette initiative est présentée apparaît bien évasive au regard des critiques argumentées qu’elle suscite[21]».

En mars 1994, Trimble revient malgré tout à la charge devant la Chambre des Communes lors d’un débat consacré au renouvellement du Prevention of Terrorism Act adopté en 1989. Mais il reste tout aussi vague[22]. De même, toujours aux Communes, le 22 juin 1994, lors de la présentation de sa proposition de loi sur l’instauration d’une carte d’identité, le député conservateur Harold Elletson affirme sans étayer plus avant son propos : « Même s’il ne fait aucun doute que le principal avantage d’un dispositif national de carte d’identité serait l’élimination des divers types de fraudes, un tel système […] présenterait des atouts supplémentaires tout aussi significatifs. Par exemple, les propriétaires de logements à court terme [c’est-à-dire les hôteliers et les propriétaire de bed-and-breakfasts] seraient à même de vérifier efficacement l’identité de leurs locataires, ce qui constituerait une contribution très importante à la lutte anti-terroriste[23]. »

Aucune de ces tentatives visant à lier instauration d’un dispositif national d’identification et lutte anti-terroriste n’a abouti. Cela s’explique sans doute par les coûts induits par une telle entreprise (énorme investissement financier, bureaucratisation accrue, risque de détérioration des relations entre police et population, etc.), mais aussi parce que pas un de leurs promoteurs n’est parvenu à expliquer clairement et précisément comment la carte d’identité améliorerait la lutte contre le terrorisme. Si bien que dans son Livre vert sur les cartes d’identité[24] publié en mai 1995, le gouvernement Major sera amené à légitimer prudemment le nouveau dispositif d’identification qu’il propose alors en faisant essentiellement référence à ses bienfaits supposés en matière de lutte contre la criminalité, la question terroriste étant reléguée au rang de légitimant périphérique.

B - Un mode de légitimation plus argumenté depuis le 11 septembre ?

Aux lendemains des attentats du 11 septembre, les autorités britanniques et françaises ont de plus en plus souvent fait appel à l’argument de la lutte anti-terroriste pour expliquer combien apparaissaient indispensables leurs projets de carte nationale d’identité électronique contenant des données biométriques. Lorsqu’elles n’ont pas seulement fait référence au terme générique de « terrorisme » pour indiquer qu’il renvoyait à une menace au même titre que l’immigration clandestine ou la criminalité organisée, ces autorités ont généralement repris à leur compte les raisons avancées quelques années plus tôt. C’est parce que les nouvelles cartes d’identité dont l’institution est envisagée constituent un remède à la fraude identitaire, c’est-à-dire un « moyen simple et sécurisé de vérifier les identités[25] », qu’elles seront précieuses pour combattre le terrorisme. En effet, cette fraude est présentée comme « associée à toutes les formes de grande criminalité, du terrorisme au trafic de drogue et d’êtres humains[26] ». Et, en nourrissant ainsi « à grande échelle[27] » le terrorisme, elle met en péril la sécurité de l’État, puisque le terrorisme « profite des lacunes des systèmes actuels pour se jouer des contrôles[28] ».

Néanmoins, ces dernières années, les pouvoirs publics se sont de plus en plus revendiqués d’un autre argument pour convaincre l’opinion publique du caractère judicieux de leurs projets de mise en carte des nationaux : le poids des contraintes internationales. Cette idée selon laquelle la France et la Grande-Bretagne doivent désormais prendre en considération les standards élaborés par l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale) et le règlement européen du 13 décembre 2004[29] relatifs à l’introduction d’éléments biométriques dans les passeports a été exprimée, plus ou moins clairement, pour suggérer combien devenait impératif le recours à ces mêmes éléments dans les cartes nationale d’identité. Rédigé par le ministère de l’Intérieur, le document de présentation du projet INES n’est sur ce point aucunement ambigu. L’enjeu de l’harmonisation des procédures du passeport et de la carte d’identité y est décrit non pas comme relevant d’une obligation juridique, mais comme un but à atteindre dont la réalisation est motivée par un souci de rationalisation bureaucratique : « Afin de lutter contre le terrorisme, il a été décidé au niveau international d’introduire de la biométrie dans les titres de voyage. Sont concernés en premier lieu les passeports. Le règlement européen du 13 décembre 2004 impose d’insérer dans une puce la photographie du titulaire d’ici à juin 2006, et ses empreintes d’ici à décembre 2007. Si les CNI ne paraissent pas concernées par ce règlement, de par leur fonction de titre de voyage, il serait cependant logique qu’elles intègrent les mêmes fonctionnalités[30]. » Certains propos tenus par le ministre de l’Intérieur lui-même ont néanmoins pu revêtir une tonalité différente, laissant croire que la « biométrisation » de la carte d’identité était devenue inéluctable. Par exemple, en réponse à une question parlementaire posée par Thierry Mariani (député UMP du Vaucluse), Dominique de Villepin a précisé que la carte d’identité électronique serait délivrée avant la fin de l’année 2006 « conformément à nos engagements européens dans la concertation avec nos amis américains[31] ». Dans le cas britannique, c’est bien davantage le registre de l’évidence ou de la fatalité que le Premier ministre Tony Blair mobilise en affirmant qu’il s’agit « d’avoir un coup d’avance (a step ahead) sur les terroristes [et] que de toutes façons nous allons bien devoir être obligés de suivre les évolutions des exigences techniques américaines et européennes vers l’adoption de passeports biométrisés[32] ».

Si une analyse du contenu des discours officiels permet de relever de nombreuses similitudes dans la manière dont la lutte contre le terrorisme est devenue un mode de justification majeur des projets gouvernementaux actuels de carte nationale d’identité en France et en Grande-Bretagne, il convient cependant de noter que ces discours sont plus nuancés outre-Manche. Alors qu’aucune intervention d’un quelconque responsable politique de l’hexagone ne prend la peine d’évaluer l’importance qu’il convient d’accorder à l’argument de la lutte antiterroriste dans la justification des projets de carte nationale d’identité « new look », cette question préoccupe les pouvoirs publics britanniques. Bien plus soumis à la pression des média à l’heure où la Grande-Bretagne est un des derniers pays ne disposant pas de carte nationale d’identité en Europe, ces derniers ont plusieurs fois été conduits à présenter l’encartement des nationaux comme n’étant pas la panacée. Ainsi, en novembre 2004, lors de sa conférence de presse mensuelle, Tony Blair a tenu à souligner à propos de la carte : « Bien entendu, elle ne constitue pas la solution miracle contre le terrorisme et la criminalité organisée, personne ne dit cela, mais elle constituera une arme importante dans la lutte contre les menaces modernes que posent le terrorisme et la criminalité organisée[33]. » Même si, sur le fond, le Premier ministre n’apporte pas de précisions supplémentaires permettant de mieux comprendre en quoi la carte serait une « arme importante » pour s’attaquer au terrorisme, sa posture montre à quel point il apparaît soucieux de contrer les critiques auxquelles s’expose son projet. En s’évertuant à ne pas ériger la carte en remède idéal face au terrorisme, tout en indiquant dans le même temps que cet instrument peut tout de même se révéler particulièrement utile en la matière, Tony Blair entend désarmorcer toutes les contestations que serait susceptible d’amplifier une argumentation étatique trop simpliste ou monofactorielle. Ces derniers temps, cette stratégie est récurrente. En avril 2004, à une question lui enjoignant de préciser si le gouvernement considérait la carte nationale d’identité avant tout comme un instrument de lutte antiterroriste, le porte-parole du Premier ministre Tony Blair répond prudemment par la négative en indiquant que ce document avait une large gamme d’utilités, même si « la lutte anti-terroriste est une question qu’il ne faut pas sous-estimer[34] ». De même, deux mois plus tard, le porte-parole du 1er ministre souligne de nouveau que le fait d’apporter des arguments complémentaires pour montrer combien la carte s’avère indispensable n’amoindrit en rien celui de la prévention du terrorisme. Et, à une interpellation d’un journaliste lui faisant remarquer que le terrorisme avait « glissé » en bas de la liste des raisons mises en avant par le gouvernement pour légitimer l’instauration de ce titre, il rétorque : « La liste pourrait tout aussi bien être lue dans l’autre sens, cela n’a pas d’importance, toutes ces raisons sont de bonnes raisons pour se doter de cartes d’identité[35]. »

II - Un instrument en inadéquation avec l’objectif affiché ?

A - Faux passeports ou fausses cartes nationales d’identité ?

En France, la question de l’usage de fausses cartes nationales d’identité par les terroristes avait déjà été débattue lors du projet d’informatisation initié par le ministre de l’Intérieur Christian Bonnet. Ne remettant pas en cause sur le fond l’impératif de sécurisation de la carte nationale d’identité en papier cartonné instituée en 1955, la CNIL avait déjà douté de la pertinence de l’argumentation policière alors développée. En mars 1980, son rapporteur sur ce dossier (Raymond Forni, vice-président de la CNIL et député PS du territoire de Belfort) écrira : « La thèse de l’infalsifiabilité comme moyen de lutte contre le terrorisme doit être ramenée à sa juste valeur. Faut-il rappeler que la carte nationale d’identité est - et demeure - facultative et que le terrorisme international se nourrit plus de faux passeports, voire de passeports de complaisance délivrés dans des conditions dont la diplomatie a le secret[36]. » Il exprimera d’ailleurs de nouveau ce point de vue quand la première carte nationale d’identité informatisée sera abandonnée par son successeur Gaston Deferre en septembre 1981[37]. En 1986, le même discours du ministère de l’Intérieur laissera encore la CNIL sceptique. Son rapporteur (Jacques Thyraud) soulignera en effet que les efforts déployés pour combattre la fraude documentaire n’interdiraient nullement la contrefaçon : « Si elle exige une dépense lourde, certains États, engagés dans le terrorisme, pourraient faire cet effort, ou des faussaires relever le défi[38]. » Le député communiste Georges Hage pointera, pour sa part, une autre faille essentielle du dispositif informatisé d’encartement des nationaux mettant aussi à mal l’argument gouvernemental de la lutte anti-terroriste : « En tout état de cause, on voit mal comment cette informatisation serait efficace pour combattre le terrorisme. Que nous sachions, l’état civil n’est pas informatisé, non plus que les extraits de naissance ou les certificats de nationalité. À supposer même que les cartes en question demeurent infalsifiables, il sera toujours possible de se procurer les éléments qui en permettent l’établissement. Si donc cette informatisation pèche au niveau de son efficacité à combattre le terrorisme, quelle utilité de constituer un tel fichier ?[39] »

L’emploi de fausses cartes nationale d’identité par les terroristes est une réalité qui ne saurait être niée. Datant de 1994, un rapport de la Direction centrale de la police judiciaire du ministère de l’Intérieur français relatif à l’ETA décrit par exemple dans le détail le fonctionnement de l’appareil de falsification mis au point par cette organisation[40]. La carte nationale d’identité française (ancien modèle cartonné) y est décrite comme faisant l’objet de nombreuses contrefaçons et falsifications facilitant les agissements des responsables de l’ETA et des militants appelés à intégrer ses commandos.

Pour autant, la fraude documentaire comme pratique facilitant l’action des terroristes concerne-t-elle dans une large mesure ce type particulier de titre (surtout depuis qu’il a été « sécurisé » comme en France) ? Rien n’est moins sûr. Auditionnés en mars 2005 par le Sénat, Pierre de Bousquet de Florian (directeur de la DST) et Philippe Lagauche (directeur adjoint des affaires criminelles et des grâces au ministère de la Justice) s’accordent sur l’idée que « les réseaux terroristes utilisent systématiquement de faux documents d'identité, délivrés par des faussaires qui fournissent également les criminels de droit commun[41] ». Néanmoins, ils n’évoquent à l’appui de leur démonstration que des cas d’usage de faux passeports par des individus liés à la mouvance islamiste radicale. À cet égard, Alain Bauer (Président de l’Observatoire national de la délinquance) rappelle d’ailleurs qu’en France la fraude documentaire porte bien moins sur la carte nationale d’identité que sur d’autres papiers comme le passeport, titre de voyage qui, à ses yeux, est pourtant loin d’être utilisé frauduleusement par les terroristes de manière systématique[42]. Le même type d’argument a été développé dans une étude publiée par Privacy International en 1994 : s’intéressant essentiellement au projet de carte d’identité biométrique britannique afin de remettre en cause l’idée selon laquelle l’encartement aiderait à prévenir le terrorisme, elle a démontré le rôle marginal joué par la carte d’identité dans le modus operandi des terroristes[43].

Le lien entre carte nationale d’identité et fausses identités dont s’affublent les terroristes est donc loin de relever de l’évidence. Il en va de même pour ce qui concerne la justification de la nécessité d’introduire des cartes nationales d’identité biométriques du fait des obligations internationales auxquelles seraient tenues la France et la Grande Bretagne. En effet, s’il a bien été adopté (principalement pour répondre aux exigences américaines) dans un contexte de lutte contre le terrorisme à des fins de meilleur contrôle de la circulation transfrontalière, le règlement européen du 13 décembre 2004 ne vise que les passeports et documents de voyage. L’article 1 alinéa 3 de ce règlement est d’ailleurs parfaitement clair sur ce point en précisant qu’« il ne s’applique pas aux cartes d’identité délivrées par les États membres à leurs ressortissants ».

B - Un dispositif superflu ?

Une carte nationale d’identité biométrique pourrait éventuellement revêtir une utilité incontestable dans la lutte contre le terrorisme si les informations qu’elle permet de se procurer sur les détenteurs de ce titre (l’ensemble des nationaux dans le cas où ce document devenait obligatoire) étaient interconnectées avec d’autres données personnelles détenues par les autorités à des fins administratives, fiscales, policières ou judiciaires[44] et une multitude de renseignements exploités à des fins de surveillance[45]. Dans un tel cas de figure, le fichier informatique centralisé élaboré grâce à l’ensemble des données recueillies sur les porteurs d’une carte constituerait un outil supplémentaire d’un vaste dispositif technologique autorisant non seulement le repérage d’individus déjà identifiés comme dangereux, mais aussi l’élaboration, dans le cadre des analyses de la menace terroriste, de profils à risque. Or, les gouvernements britannique et français s’évertuent à rappeler que leurs projets actuels de mise en carte des nationaux ne s’inscrivent nullement dans une logique de traçage ou de profilage susceptible de porter atteinte à la liberté individuelle.

Si tel était pourtant l’objectif à atteindre au nom de la lutte contre le terrorisme, les risques encourus seraient non négligeables eu égard à l’efficacité réelle des mesures d’encartement préconisées en matière de lutte contre le terrorisme. Ainsi que le souligne Louis Joinet (expert indépendant auprès de la Commission des droits de l’homme de l’ONU), beaucoup de pays pourraient être « tentés par un surfichage effrené pour lutter contre le terrorisme, pratique qui risque de devenir prétexte lorsque l’on finit par considérer que tout opposant est un terroriste par "complicité"[46] ». Ce point de vue est partagé par le sociologue canadien David Lyon pour qui le projet britannique de carte d’identité « intelligente » augmentera la capacité des instances étatiques à se livrer au « tri social » en discriminant certaines catégories de la population au comportement stigmatisé comme indésirable[47].

Au-delà de ces craintes, se pose également le problème de la production de discours policiers sur l’anticipation des comportements terroristes qui, comme le souligne le politiste Didier Bigo, ne reposent sur aucune forme de savoir scientifique. Selon lui, ce type de discours a pour seule fonction de justifier l’introduction de dispositifs « high tech », tel le projet INES, dont pourtant rien ne garantit qu’il sera opérationnel pour combattre le terrorisme : « Utiliser l’argument de la lutte anti-terroriste pour la constitution d’un registre de population est extrêmement discutable. En outre, de telles mesures passives ne vont pas changer quoi que ce soit ; mieux vaut mettre l’accent sur l’infiltration d’organisations clandestines pour lutter contre le terrorisme[48]. » Certains experts de la lutte anti-terroriste ne sont pas loin d’adhérer à ce type d’analyse. Ancien directeur des Renseignements généraux à la Préfecture de police de Paris et ex-directeur de cabinet de la DST, Jean-Pierre Pochon estime par exemple que l’on présente à tort la sécurisation des dispositifs d’encartement des citoyens comme une des solutions les plus appropriées pour faire face au terrorisme. Selon lui, ce type de mesure technologique sophistiquée ne peut avoir qu’un intérêt relatif car, seul, il ne peut suffire à empêcher certains individus déterminés à commettre un acte terroriste : le plus important pour les services de renseignement est de pouvoir repérer ces mêmes individus préalablement, alors que la carte d’identité ne servira généralement qu’à établir leur identité une fois l’attentat commis[49]. Cette réflexion est d’autant plus pertinente que, au vu des évènements récents, les terroristes peuvent se recruter au sein des communautés nationales française et britannique. Dès lors, en quoi une carte nationale d’identité, serait-elle d’une extrême fiabilité, pourrait-elle être d’une quelconque utilité pour combattre des terroristes à même d’obtenir ce document en toute légalité ? Reproduite en grand format à la une du Figaro en janvier 2002[50], la photographie de la carte d’identité française sécurisée de Hervé Djamel Loiseau apparaît comme une illustration flagrante des limites du recours à ce genre d’instrument dans la lutte anti-terroriste. Disposant d’une carte en bonne et due forme, ce « combattant de Ben Laden » a pourtant été retrouvé mort près de Kandahar en Afghanistan. De même, dans les premiers attentats commis à Londres en juillet 2005, les terroristes disposaient de papiers en règles qui ont d’ailleurs été retrouvés, pour certains d’entre eux, sur les lieux de leurs forfaits : comme si ces individus tenaient, de la sorte, et de manière tout à fait délibérée, à afficher et rendre visible la spécificité de leur statut comme un ultime défi aux valeurs de l’État dont ils étaient ressortissants. Ces exemples montrent à quel point il apparaît illusoire d’envisager de combattre efficacement des terroristes à la fois membres d’une communauté nationale et ennemi idéologique de celle-ci grâce à un outil renvoyant exclusivement à l’un des deux termes de l’équation : l’appartenance nationale. En effet, comme l’explique précisément Antoine Garapon (Secrétaire général de l’Institut des Hautes Études sur la Justice) : « La menace ne vient plus seulement des étrangers. La nationalité n’est désormais plus déterminante pour lutter contre un terrorisme protéiforme. Dans son arrêt du 16 décembre 2004, la Chambre des Lords pose le constat que les nationaux peuvent se révéler tout aussi dangereux pour la sécurité du pays que les ressortissants étrangers. La frontière séparant les "terroristes" du reste de la population n’est plus définie sur la base de critères liés à l’appartenance nationale, comme cela était le cas jusqu’à la fin de la Deuxième guerre mondiale, mais sur des clivages traversant les nations elles-mêmes. Le sujet est de plus en plus libre de ses appartenances politiques, religieuses ou idéologiques. Chaque individu devient en quelque sorte son propre territoire, ce qui affaiblit l’idée classique de frontières géographiques autour desquelles s’organisaient les États[51]. »

III - Les avatars de la légitimation par le terrorisme

A - Un large mouvement de contestation

Le caractère superficiel et souvent fragile de la justification étatique des projets d’encartement des nationaux par la lutte anti-terroriste explique dans une large mesure les fortes oppositions qu’ils suscitent depuis les années 1970-1980 en France et en Grande-Bretagne. Dans son rapport rendu public en juin 2005 sur le projet INES, le Forum des droits sur l’Internet (mandaté par le ministre de l’Intérieur pour organiser un débat citoyen sur ce projet) n’hésite pas à souligner que l’argument de la lutte anti-terroriste n’a pas convaincu la grande majorité des internautes. D’une part, le discours associant lutte contre le terrorisme et contraintes internationales concernant le passeport « a pu donner l’impression que la France subissait des pressions étrangères, européennes et surtout américaines[52] ». D’autre part, « ce déficit d’explication a également entraîné des confusions ou des erreurs. En effet, beaucoup ont estimé que la présentation du projet entraîne la confusion par le mélange des genres (projet destiné à la lutte contre le terrorisme, contre la fraude à l’identité, à développer la signature électronique, à des utilisations individualisées au moyen d’un "portofolio personnel")[53] ».

Ces deux idées sont pratiquement reprises par l’ensemble des opposants - tant français que britannique - aux projets de carte d’identité électronique. Elles sont au cœur des résistances qui émanent d’acteurs de nature très différente : citoyens isolés, associations, syndicats, organes de presse et partis politiques. De plus, ces résistances s’expriment à travers des registres d’action de plus en plus variés. Ce sont bien sûr de traditionnelles polémiques qui prennent forme dans les médias et les arènes parlementaires. Le ministre de l’Intérieur britannique, Charles Clarke, a par exemple sévèrement critiqué dans la presse le caractère « partial » du rapport The Identity Project publié, en mars 2005, par la London School of Economics au sujet du projet gouvernemental de carte nationale d’identité biométrique. Ses propos ont aussitôt été réfutés dans le Times (2 juillet 2005) par le Directeur de cette célèbre école et, dans le Daily Telegraph (7 juillet 2002), par 22 chercheurs ayant tenu à affirmer publiquement leur soutien aux rédacteurs de ce rapport.

La mobilisation contre la mise en carte des nationaux emprunte aussi désormais beaucoup le canal de l’Internet. En France, certains ont créé des sites Web de contestation spécifiquement consacrés à cet enjeu, en s’inspirant directement de la longue expérience d’ONG britanniques telles que Statewatch, et plus particulièrement Privacy International[54]. C’est le cas du collectif pour le retrait du projet INES (Ligue des droits de l’homme, le Syndicat de la Magistrature, le Syndicat des avocats de France, l’association Imaginons un réseau Internet solidaire, l’intercollectif Droits et libertés face à l’informatisation de la société et l’Association française des juristes démocrates)[55] qui, précédemment avait déjà dénoncé l’alibi du terrorisme pour justifier le lancement d’une pétition (en avril 2005) intitulée : « INES, de la suspicion au traçage généralisé ». D’autres déposent des messages critiques sur des forums thématiques de discussion en ligne ou sur des sites déjà existants. Ainsi, les sénateurs socialistes ont inséré sur celui de leur parti politique un texte condamnant la nature du projet INES. On peut notamment y lire : « Selon le gouvernement, la nouvelle CNI, si elle était obligatoire, permettrait de combattre l’usurpation d’identité et de lutter plus efficacement contre le terrorisme. Néanmoins, nous pensons que, sur ce dernier point, l’efficacité serait faible dans la mesure où les terroristes ont les moyens de disposer de documents authentiques[56]. »

Parallèlement à ces modes de contestation, des actions militantes sont orchestrées. Ainsi, des contestataires se revendiquant de l’appellation « Pièces et main d’œuvre » ont mis sur pied un canular qui a consisté à distribuer dans des milliers de boîtes aux lettres grenobloises un document faussement estampillé Conseil général de l’Isère. Comme a pu le préciser le journal Le Monde qui a relayé cette information au niveau national : « Intitulé "Libertys, votre nouvelle carte de vie", ce document aux allures officielles enjoint les Isérois de se faire enregistrer dans leur mairie avant le 1er juillet afin de recevoir leur "carte unique d'identité et de services" - faute de quoi ils seraient radiés de toutes les administrations et services publics. Cette carte évidemment électronique, biométrique et sans-contact anticipe à peine sur le projet INES (future carte d'identité) du ministère de l’Intérieur, en le perfectionnant dans ses options (puce sous-cutanée, usage généralisé à tous les aspects de la vie quotidienne, etc)[57]. » Ces actions militantes ont également pu revêtir une nature plus virulente en vue de perturber les initiatives des pouvoirs publics. Cela a été le cas lors des rencontres régionales organisées par le Forum des droits sur l’Internet durant lesquelles, pour interrompre les débats, des individus ont volontairement déclenché les alarmes incendie dans un amphithéâtre de l’Université Lyon II et jeté des œufs sur les orateurs à Lille[58].

B - La ressource supra-nationale de nouveau mobilisée

Selon le sociologue Patrice Flichy, le projet INES aurait certainement été mieux accepté par les français si le gouvernement s’était attaché à démontrer qu’il permet d’améliorer significativement la lutte contre le terrorisme. Or, constate-t-il : « La démonstration reste à faire[59] ». En effet, non seulement l’absence d’argumentation donne du poids à la contradiction, mais elle l’amplifie aussi en plaçant les responsables des projets de mise en carte dans une posture délicate.

Ainsi, ces responsables sont quelquefois contraints de faire machine arrière sur certains aspects de leurs initiatives. Cela montre à quel point ils prennent conscience que, malgré la multiplicité des actes de violence extrême perpétrés ces dernières années à l’encontre de certains régimes démocratiques, l’argument de la lutte anti-terroriste ne saurait unanimement s’imposer comme se suffisant à lui-même. Ainsi, succédant à Dominique de Villepin à la tête du ministère de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy a dû se résigner à geler momentanément le projet INES en reconnaissant, en juin 2005, que « si des dispositions européennes nous obligent à mettre rapidement en œuvre un passeport biométrique, il n’en va pas de même pour la carte d’identité électronique[60] ».

Néanmoins, cette stratégie de temporisation déployée par l’actuel ministre de l’Intérieur qui, pour l’occasion, a plutôt été amenée à insister sur le caractère peu favorable de la réglementation européenne, ne saurait faire oublier que, quelques semaines plus tard, le même ministre mobilisait l’échelon supranational comme ressource. En effet, les 4 et 5 juillet 2005, la réunion du G 5 à Evian a été l’occasion pour lui et ses homologues britannique, espagnol, italien et allemand de se mettre d’accord afin d’œuvrer non seulement en faveur de la délivrance de cartes d’identité électroniques compatibles et « interopérables », mais aussi d’étendre la biométrie à tous les documents d’identification. Ce processus avait d’ailleurs été impulsé quelques mois plus tôt par le prédécesseur de Nicolas Sarkozy. En effet, en mai 2005, Dominique de Villepin co-signait, avec les ministres de l’Intérieur britannique, allemand, italien et espagnol, une tribune publiée dans le Figaro où l’on pouvait lire : « À cinq, nous avons décidé d’aller plus loin ensemble en travaillant sur des cartes nationales d’identité électroniques compatibles : des programmes son engagés conjointement par la France et l’Allemagne, d’autres sont développés par l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni[61]. »

La mobilisation de la « ressource supranationale » n’est pas l’apanage des gouvernants français puisque les autorités britanniques font, quant à elles, aussi de plus en plus appel à un registre discursif désormais « classique » : l’invocation de la nécessité de respecter les obligations européennes… Quitte à les créer soi-même lorsque le moment apparaît politiquement opportun. Ainsi, le 13 juillet 2005, une semaine à peine après les attentats de Londres, le ministre de l’Intérieur britannique, Charles Clarke présidait une session extraordinaire du conseil Justice et Affaires Intérieures (JAI) réunissant l’ensemble des ministres de l’Intérieur et de la Justice des 25 pays membres. La déclaration condamnant les attentats émise à l’issue du conseil demandait aux États-membres d’adopter des « normes communes pour les éléments de sécurité et des procédures sûres de délivrance des cartes d’identité » pour décembre 2005, et ce afin de lutter contre le terrorisme[62].

Cette initiative britannique a d’ailleurs rapidement eu des répercussions sur le projet français de carte d’identité biométrique. Ainsi, comme l’a indiqué Philippe Sauzey (Directeur du programme INES au ministère de l’Intérieur) le 28 septembre 2005, les décisions prises en juillet 2005 lors des réunions du G 5 et du conseil JAI, constituent désormais bien à ses yeux des contraintes qu’il faudra impérativement prendre en considération pour l’avenir du projet INES[63]. Il a d’ailleurs explicité le contenu de ces normes fixées par le conseil JAI : les cartes d’identité devront contenir des composants électroniques, biométriques et être « interopérables ».

Depuis près de trente ans, les gouvernants français et britanniques invoquent la nécessité de lutter contre le terrorisme pour justifier de projets « high-tech » d’encartement de leurs nationaux. Ces projets ont suscité de vives contestations, en particulier parce que leurs promoteurs ne sont jamais parvenus à expliquer clairement en quoi la carte nationale d’identité constitue une arme anti-terroriste. Non seulement leurs argumentations n’ont pas convaincu, mais elles ont donné prise à une multitude de critiques qui ont fortement contrarié les initiatives gouvernementales, comme c’est le cas aujourd’hui en France et en Grande-Bretagne avec les projets de cartes biométriques.

Pourquoi les pouvoirs publics tentent-ils ainsi de lier mise en carte des nationaux et lutte anti-terroriste, alors même que le « remède » suggéré semble inadapté à la « maladie » ? Deux pistes de réflexion, pas forcément exclusives l’une de l’autre, mériteraient certainement d’être approfondies. D’une part, la mise en avant par les décideurs politiques d’outils technologiques ultra-sophistiqués pourrait servir à donner de la visibilité à leur action en matière de lutte contre le terrorisme. De plus, il ne faut pas exclure que de telles initiatives permettent aussi de rassurer effectivement de larges parties de la population, ne serait-ce qu’au titre de placebo agissant sur le sentiment d’insécurité[64] (avec, tout de même, comme effet secondaire, un renforcement du savoir et du pouvoir policiers sur les citoyens).

D’autre part, les technologies de pointe, comme la biométrie, sont au cœur de multiples enjeux stratégiques autour desquels s’affrontent notamment l’Europe et les États-Unis. Il n’est, à cet égard, pas illégitime de se demander dans quelle mesure ces enjeux économiques, industriels, financiers, etc. pèsent sur la prise de décision politique et les registres discursifs qui la soutiennent. On trouve, par exemple, sur le site Internet du GIXEL (« 20 000 emplois, 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires[65] ») un  Livre bleu publié, en juillet 2004, au nom des industriels de la « Filière électronique et numérique ». Ce rapport commence par affirmer : « Les Industries Électroniques et Numériques employaient en France 300 000 personnes en 1998. Aujourd’hui, seulement 220 000. Tombera-t-on à 100 000 en 2008 ? [66]» Puis, plus loin, précise : « L’effort pour lutter contre le terrorisme doit être comparé à un effort de guerre comme celui que nous avons consenti pendant la période de guerre froide. Mais avec une nuance d’importance, le bouclier américain ne protègera pas l’Europe ! […] La sécurité est très souvent vécue dans nos sociétés démocratiques comme une atteinte aux libertés individuelles. […] Pour faire accepter les technologies de surveillance et de contrôle, il faudra probablement recourir à la persuasion et à la réglementation en démontrant l’apport de ces technologies à la sérénité des populations et minimisant la gène occasionnée[67]. »

NOTES


[1] Bernard Lewis, Les Assassins. Terrorisme et politique dans l’Islam médiéval, Éditions Complexe, Bruxelles, (1982), rééd. 2001.

[2] Id., p. 100.

[3] Les Chrétiens, qui à la faveur des croisades avaient pris pied dans la région et subissaient également la tactique des « maudits Assassins », eurent aussi recours à l’identification au XIVe siècle. Mais sans doute parce qu’ils étaient assurés, contrairement aux Musulmans, que le danger ne pourrait venir de l’un des leurs, ils concentrèrent semble-t-il leur efforts anti-terroristes sur une application de l’identification visant à dénier l’accès à un espace que l’on souhaite sécuriser et qui est connue aujourd’hui sous l’appellation de « screening ». En 1332, on avertit ainsi le roi de France Philippe VI « [qu’il n’y a] qu’un seul remède pour la garde et la protection du roi, qu’en toute sa maison [...] on ne reçoive nulle personne dont le pays, le lieu, le lignage, la condition ne sont pleinement et entièrement connus », id., p. 36.

[4] Cf. notamment Gérard Noiriel, La tyrannie du national. Le droit d’asile en Europe 1793-1993, Paris, Calmann-Lévy, 1991.

[5] Lettre en date du 13 octobre 1934, AN F7 14 754.

[6] Sur ce point, cf. notamment C. Sannié et D. Guérin, Éléments de police scientifique, tome III, Paris, Hermann & Cie éditeurs, 1938, p. 24.

[7] Dans un contexte marqué par un renouveau de différentes formes de terrorisme en Europe : nationaliste (en Espagne, en France et en Grande-Bretagne), révolutionnaire (en Allemagne, en France et en Italie), etc. Cf. notamment sur ce point, Xavier Crettiez, Le terrorisme. Violence et politique, Paris, La Documentation française, collection Problèmes politiques et sociaux, n° 859, 2001.

[8] Sur le cas français, on renverra à l’ouvrage de Pierre Piazza, Histoire de la carte nationale d’identité, Paris, Odile Jacob, 2004. Sur le cas britannique, cf. l’article de Carlos Pimentel, « L’exception britannique : une tradition de l’identité non écrite » dans Xavier Crettiez et Pierre Piazza, Du papier à la biométrie. identifier les individus, Paris, Presses de Science Po, juin 2006.

[9] INES : Identité nationale électronique sécurisée. Ce projet est l’aboutissement d’une mission d’étude mise sur pied par le ministère de l’Intérieur en juillet 2001 afin d’élaborer une procédure unique et sécurisée de délivrance du passeport et de la carte nationale d’identité (procédure dite du « Titre fondateur »).

[10] Cette initiative du gouvernement Blair est matérialisée par un projet de loi appelé « Identity Cards Bill » présenté au Parlement le 29 novembre 2004. Ce dernier constitue l’aboutissement d’un processus de consultation gouvernemental de deux ans et demi initié en juillet 2002. Il a notamment fait l’objet d’un examen et d’un rapport de la puissante Commission des affaires intérieures (Home Affairs Committee) de la Chambre des Communes (http://www.publications.parliament.uk/pa/cm200304/cmselect/cmhaff/130/13002.htm).

[11] Cf. notamment sur ce point Temps réel, « Cartes d’identité informatisées : des risques subsistent », 15 septembre 1980.

[12] Centre des Archives Contemporaines (CAC, Fontainebleau), CAC 890671 art. 1.

[13] Cf. la lettre adressée par le ministre de l’Intérieur Christian Bonnet au président de la CNIL au sujet du « Traitement automatisé des titres de séjour d’étrangers et des cartes nationale d’identité », 21 novembre 1979. Ce document peut être consulté au centre de documentation de la CNIL.

[14] Ces projets portent sur l’application des peines, les contrôles et vérifications d’identité ainsi que sur la lutte contre le terrorisme, les atteintes à la sûreté de l’État, la criminalité et la délinquance.

[15] Cf. « La carte nationale d’identité ou l’éternel retour », Terminal, juillet 1986, p.16.

[16] Sur ce point, cf.le 15ème rapport annuel de la CNIL (1994, p. 43) qui revient sur le processus de généralisation de la carte d’identité informatisée initié en 1986.

[17] Cf. Audition de Robert Pandraud (alors ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur) par la CNIL, extrait du procès-verbal de la réunion de la CNIL du 24 juin 1986, centre de documentation de la CNIL.

[18] Cf. l’article « Time to bring in identity cards » qu’il publie dans le Times du 7 février 1985.

[19] L’ensemble du débat parlementaire auquel donne lieu la proposition de loi de Ralph Howell, cf. http://www.publications.parliament.uk/cgibin/newhtml_hl?DB=semukparl&STEMMER=en&WORDS=national%20identity%20card%20bill&ALL=&ANY=&PHRASE=%22National%20Identity%20Card%20Bill%20%22&CATEGORIES=&SIMPLE=&SPEAKER=&COLOUR=red&STYLE=s&ANCHOR=Debate1_spnew42&URL=/pa/cm198889/cmhansrd/19890210/Debate1.html#Debate1_spnew42; citations column 1271.

[20] Id. .

[21] Ainsi, Lord d’Arran, ministre de l’Irlande du Nord de John Major, expliquera devant la Chambre des Lords que « les forces de sécurité ne considèrent pas que l’identification pose problème. L’instauration de cartes constituerait un fardeau bureaucratique très lourd pour tout le monde ». Lord Ferrers, un conservateur proche du gouvernement, déclarera, de surcroît, dans la même enceinte qu’il ne pouvait se souvenir d’un seul acte terroriste susceptible d’avoir pu être évité par l’existence d’une carte d’identité obligatoire, avant de préciser que « le gouvernement examine tous les moyens possibles pour empêcher le terrorisme dans notre pays, et les cartes d’identité ne sont en pas prioritaires à cet égard. » Cité par Philip A. Thomas dans son article « Identity Cards », Modern Law Review, 58 (5), septembre 1995, pp. 707-708.

[22] « Une autre façon de procéder serait d’accroître la surveillance. Cela vaut la peine d’être envisagé, même s’il est douteux qu’on y parvienne sans créer une carte d’identité obligatoire, un pas que certains députés refuseraient de franchir. Ne partageant pas leurs préventions, nous pensons qu’une telle mesure devrait être très sérieusement mise à l’étude. De toute façon, il est possible que l’Union européenne oblige bientôt le gouvernement à agir, et certaines propositions intéressantes ont déjà été faites à cet égard », http://www.publications.parliament.uk/pa/cm199394/cmhansrd/1994-03-09/Debate-3.html

[23] http://www.publications.parliament.uk.

[24] Home Office, Identity Cards: a consultation document, CM 2879, Mai 1995. Un « livre vert » (green paper) est un document gouvernemental visant à instaurer un débat sur problème de société particulier auquel il se propose de remédier, ou encore, comme c’était le cas en l’occurrence, qui est destiné à tester l’opinion sur telle ou telle mesure dont le gouvernement envisage l’application.

[25] Commentaire de David Blunkett sur le rapport du Select Committee de la Chambre des Communes relatif au projet de carte d’identité biométrique, 27 octobre 2004.

[26] Intervention sur le Forum des droits sur Internet de Daniel Canepa (secrétaire général du ministère de l’Intérieur français et président du comité stratégique ministériel du projet Identité Nationale Électronique sécurisée - INES - ), 1er février 2005. Le 26 avril 2004, le ministre de l’Intérieur britannique David Blunkett tenait le même discours : « Les cartes contribueraient à lutter contre les délits requérant l’utilisation une fausse identité, tels le terrorisme, le trafic de drogues, le blanchiment d’argent, les fraudes, le travail au noir et l’immigration clandestine ».

[27] Intervention sur le Forum des droits sur Internet de Fabrice Mattatia (Chargé de mission du projet INES au ministère de l’Intérieur), 1er février 2005.

[28] Lettre de Dominique de Villepin (alors ministre de l’Intérieur) à la présidente du Forum des droits sur Internet pour lui demander d’organiser un débat en ligne sur le projet INES, 06 janvier 2005.

[29] Règlement (CE) n° 2252/2004 du Conseil européen « établissant des normes pour les éléments de sécurité et les éléments biométriques intégrés dans les passeports et les documents de voyage délivrés par les États membres ».

[30] Ministère de l’Intérieur, secrétariat général, Direction de programme INES, 1er mars 2005.

[31] J.O, AN, 22 mars 2005.

[32] Press briefing avec le porte-parole officiel du Premier ministre, 25 mai 2005, http://www.pm.gov.uk/output/page7548.asp

[33] Conférence de presse mensuelle du 1er ministre, 29 novembre 2004, cf. http://www.number-10.gov.uk/output/page6687.asp

[34] Press briefing du porte-parole du 1er ministre, 26 avril 2004, cf. http://www.number-10.gov.uk/output/page5704.asp

[35] Rencontre du porte-parole du 1er ministre avec la presse, 29 juin 2005, cf. http://www.number-10.gov.uk/output/page7758.asp

[36] Rapport rédigé par Raymond Forni sur le projet « Fabrication de la Carte nationale d’identité » déposé à la CNIL par le ministère de l’Intérieur le 12 mars 1980, centre de documentation de la CNIL.

[37] « La nouvelle carte d’identité : du plastique mais pas d’informatique », entretien accordé par Raymond Forni à Libération, 14 septembre 1981.

[38] Cf. Audition de Robert Pandraud (alors ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur) par la CNIL, extrait du procès-verbal de la réunion de la CNIL du 24 juin 1986, centre de documentation de la CNIL. À la même époque, nombreux seront aussi ceux qui souligneront combien la sécurisation de la carte nationale d’identité ne pourrait pas avoir d’impact immédiat sur les terroristes du fait du temps dont l’administration aurait nécessairement besoin (plusieurs années) pour renouveler l’ensemble des titres, cf. notamment l’article « Vivement demain ! » signé Louis-Marie Horeau publié dans le Canard Enchaîné du 30 avril 1986 et Jean-Pierre Demo, « La carte d’identité informatisée ou l’éternel retour », Terminal, juillet 1986.

[39] J.O, AN, 8ème législature, troisième session ordinaire de 1985-1986, séance du 3 juillet 1986, p. 2 833. Discussion projet de loi sur contrôles et vérifications d’identité.

[40] Rapport de la Direction centrale de la police judiciaire, sous-direction des affaires criminelles, 6ème division, janvier 1994.

[41] Cité dans le rapport d’information n°439 rédigé par Jean-René LECERF au nom de la mission d’information de la commission des lois du Sénat sur la « nouvelle génération de documents d’identité et la fraude documentaire », J.O, Sénat, annexe au procès-verbal de la séance du 29 juin 2005. 

[42] « Une partie des passeports utilisés par les groupes terroristes [ceux ayant participé aux attentats du 11 septembre] n’étaient pas falsifiés, mais détournés grâce à d’éventuelles complicités internes. En fait, les effets principaux de la fraude à l’identité portent avant tout sur le permis de conduire et sur les passeports pour le franchissement des frontières. En revanche, celle-ci existe quantitativement très peu dans les affaires de terrorisme et de crimes organisés (à l’exception de la traite des êtres humains) Audition de Alain BAUER par la CNIL sur le projet INES, 12 avril 2005, http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/approfondir/dossier/CNI‑biometrie/CRAUDITIONBAUER.pdf.

[43] Privacy International, « Mistaken Identity : Exploring the Relationship Between National Identity Cards & The Prevention of Terrorism », avril 2004. De larges passages de cette étude ont été repris dans le rapport « The Identity Project. An assessment of the UK Identity Cards Bill & its implications » publié par London School of Economics & Political Science en mars 2005. En outre, ce rapport (p. 32) cite les propos du Secrétaire général d’Interpol (Ron Noble) qui n’hésita pas, fin 2004, à affirmer devant la Chambre des Lords que tous les cas de terrorisme impliquait l’usage d’un faux passeport, sans pourtant pouvoir apporter quelques preuves que ce soit pour étayer cette assertion.

[44] C’est notamment l’idée que développera, le 10 février 1989, le député travailliste Gary Waller (Keighley) devant la Chambre des Communes lors de la discussion de la proposition de loi de carte d’identité du député Ralph Howell, en signalant toutefois combien les libertés publiques pourraient en souffrir. Cf. http://www.number-10.gov.uk/output/page7758.asp.

[45] Sur la nature et les objectifs du projet américain « Total Information Awareness », cf. notamment Jean-Paul Brodeur et Stéphane Leman-Langlois, « Surveillance totale ou surveillance-fiction ? », Les Cahiers de la sécurité intérieure, n° 55, premier trimestre 2004.

[46] Audition par la CNIL, projet INES, 8 mars 2005, http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/approfondir/dossier/CNI‑biometrie/CRAUDITIONJOINET.pdf. Dans l’article « Danger ! Carte d’identité informatisée » publié dans sa revue Terminal (janvier 1981), le Centre d’information et d’initiative sur l’informatisation développait déjà cette idée : « Si on se réfère à l’histoire des 40 dernières années, la police a pourchassé, et toujours au nom de l’Ordre Républicain ou national les francs-maçons, les communistes, les Juifs, les résistants, les collabos, les partisans de l’indépendance de l’Indochine, puis de l’Algérie, les membres de l’OAS, les gauchistes, les terroristes. Imaginons un peu : si cette police avait fait correctement son travail à chaque fois, qui resterait-il aujourd’hui en France ? La démocratie exige ce minimum irréductible qu’on puisse faire de faux papiers ».

[47] David Lyon, « La frontière est partout : encartement, surveillance et altérité. Réflexions autour du projet anglais de carte d’identité intelligente », Les Cahiers de la sécurité, n° 56, premier trimestre 2005.

[48] Audition par la CNIL, projet INES, 11 mars 2005, http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/approfondir/dossier/CNI‑biometrie/CRAUDITIONBIGO.pdf.

[49] Entretien réalisé avec Jean-Pierre Pochon, Paris, 8 juillet 2005.

[50] En illustration de l’article intitulé « Al Qaida : les réseaux français sont intacts », Figaro, 16 janvier 2002.

[51] Audition par la CNIL, projet INES, 14 avril 2005, http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/approfondir/dossier/CNI‑biometrie/CRAUDITIONGARAPON.pdf.

[52] Rapport du Forum des droits sur l’Internet sur la carte d’identité électronique, 16 juin 2005, p. 6.

[53] Id. p. 7.

[54] Cf. http://www.statewatch.org et http://www.privacyinternational.org. Privacy International consacre entièrement une rubrique de son site Internet au projet britannique de carte nationale d’identité électronique, cf. http://www.privacyinternational.org/index.shtml?cmd[342][]=c1ID+UK&als[theme]=ID%20UK&conds[1][category........]=ID%20UK&als[_parent_]=National%20ID%20Cards

[55] Cf. http://www.ines.sgdg.org/

[56] « Les possibilités offertes par la modernité ne doivent pas être un prétexte pour instituer un titre d’identité dont l’essence serait profondément policière », 29 juin 2005, http://www.parti-socialiste.fr/tic/spip_tic/article.php3?id_article=234.

[57] Stéphane Foucart, « Libertys : "Aucun problème si l’on a rien à se reprocher" », Le Monde, 11 juin 2005.

[58] Ces réunions ont respectivement été organisées dans ces deux villes les 31 mars et 27 avril 2005.

[59] Patrice Flichy est professeur de sociologie à l'université de Marne-La-Vallée et co-auteur du livre blanc Administration électronique et protection des données personnelles (2002). Intervention sur le Forum des droits sur Internet, 13/04/2005, http://www.foruminternet.org/forums/read.php?f=16&i=2559&t=2559.

[60] Discours de Nicolas Sarkozy devant les préfets, 20 juin 2005.

[61] « Une Europe plus sûre, une Europe plus solidaire », Figaro du 12 mai 2005.

[62] Conseil de l’Union européenne : « Communiqué de presse, Session extraordinaire, Justice et affaires intérieures », Press Office, Bruxelles, 13 juillet 2005, p. 7. La présidence britannique du Conseil de l’UE avait évoqué deux jours plus tôt la nécessité d’instaurer ces mêmes « normes communes de sécurité » dans le cadre d’une note consacrée à l’immigration et aux frontières de l’Union où il n’était aucunement question de lutte antiterroriste. Cf. Council of the European Union, « Note from the Presidency to Strategic Committee on Immigration, Frontiers and Asylum on Minimum common standards for national identity cards », Brussels, 11 July 2005.

[63] Intervention de Philippe Sauzey lors du 6ème Forum mondial e-démocratie organisé à Issy-les-Moulineaux, seconde session plénière « L’identité numérique : une réalité pour le citoyen », 28 septembre 2005.

[64] Comme l’avait déjà souligné Georges Dupuis en 1988, à propos de la carte nationale d’identité informatisée : « Il est vrai qu’à côté des avantages techniques que peut en attendre le travail policier, la nouvelle carte d’identité a surtout représenté pour ses promoteurs une source de profits politiques. Dans le grand concert sécuritaire, la carte tient sa place, une place proprement singulière : elle s’adresse à tous, mais un par un […] La nouvelle carte d’identité est comme un message sécuritaire personnalisé. […] À sa manière, ce petit bout de papier est un véritable tract. », « Message personnalisé », Libération, 6 avril 1988.

[65] Citation extraite du site Internet du Groupement des industries de l’interconnexion, des composants et des sous-ensembles électroniques (GIXEL), qui regroupe des entreprises telles que Axalto, Gemplus, Oberthur Card Systems, Sagem, Thalès security systems, pour ne citer que celles ayant une activité cartes à puce : (http://www.gixel.fr/.

[66] Livre bleu. Grands programmes structurants. Propositions des industries électroniques et numériques, juillet 2004, p. 3 (document PDF disponible sur http://www.gixel.fr/.

[67] Id., pp. 34-35.

début de page