Usages du Ētabac du diableČ au Ghana
Traduction revue et actualise
de l'article ĒViolencia
y marihuana: Usos del "tabaco de diablo" en el Ghana contemporáneoČ
publi in Inchaurraga,
Silvia (compiladora): Drogas y Drogadependencias, Teora,
Clínica e Instituciones, CEAD-SIDA,
Universidad Nacional de Rosario (UNR),
Rosario, 1997.
NB: Silvia Inchaurraga prside l'Association
pour la rduction des risques d'Argentine (ARDA).
Introduction
Drogues et violences sont souvent associes. Dans cette fin de vingtime sicle, les deux phnomnes ont attir lÕattention, et suscit la proccupation, des pouvoirs publics, de la presse et des chercheurs en sciences sociales. Aux tats-Unis, la lutte contre Ēla drogueČ est souvent justifie par la ncessit de combattre la violence urbaine. Que dirent des contacts entre drogue et violence dans un pays comme la ColombieŹ? L'amalgame qui sÕopre dans les discours officiels entre les deux concepts est sans doute htif, mais il nÕest pas compltement fantaisiste. Nous le verrons, une reprsentation trs ancienne lie troitement drogue et violence. Il semble donc utile dÕexplorer, mme brivement, les rapports qui peuvent exister, ou dont on dit quÕils existent, entre drogue et violence.
A partir des rsultats dÕune enqute sur la consommation du cannabis en milieu urbain ghanen effectue en 1995, ce travail se propose de montrer en quoi la reprsentation des effets du cannabis prvalant chez une grande partie de ses utilisateurs au Ghana constitue un moyen dÕaffronter une violence qui doit tre subie ncessairement afin de survivre dans une socit soumise une conomie de pnurie et une rpartition ingale des richesses.
Je proposerai dans un premier temps une brve typologie recensant les liens existant entre drogues et violences. Je prsenterai ensuite les rsultats, pertinents pour ce travail, de lÕenqute de terrain au Ghana. Enfin, jÕexaminerai ensuite ces rsultats la lumire de la typologie afin de tenter dÕclaircir les liens entre consommation de cannabis au Ghana et ce que je qualifierai de Ēviolence de la modernitČ, en empruntant le terme Le Bot[1].
I) Brve typologie des relations entre drogues et violences
Quelles sont donc les rapports qui sont le plus souvent tablis entre drogue et violence ? La recherche bibliographique effectue pour cet article montre quÕen gnral la violence lie au Ēphnomne de la drogueČ[2]est instrumentale. CÕest dire quÕelle sert lÕavancement de stratgies dÕacteurs pour qui elle fait sensŹ: elle est perue et justifie par les diffrents acteurs qui la mettent en Ļuvre comme un moyen rationnel, parce quÕefficace, ou en tout cas peru comme tel, dÕarriver des fins. Il est cependant possible de distinguer deux catgories principales de violence lie la drogue. La premire a trait la prohibition de la production, du commerce et de la consommation de certaines substances que les tats, principalement occidentaux, ont instaur au dbut du XX” sicle et quÕils sÕefforcent de faire respecter. La seconde connecte plus directement drogues et violencesŹ: il sÕagit de la violence vcue sous lÕinfluence de la drogue. Celle-ci nÕentretient conceptuellement aucun lien avec la prohibition car sÕil y a consommation, cÕest soit que la prohibition nÕest pas en vigueur, soit quÕelle nÕest pas parvenue sÕappliquer effectivement.
a) La violence lie la prohibition
La violence lie la prohibition des drogues est un phnomne typique du XX” sicle et le monopole lgitime de la violence de lÕtat y joue un rle central. Mme sÕil nÕexiste videmment aucun chiffre sur le sujet, il semble raisonnable de considrer que, quantitativement, cÕest aujourdÕhui la prohibition qui provoque le plus de violence touchant la drogue. On peut distinguer trois types fondamentaux de violence lie la prohibition. Les deux premiers sont lis la prohibition lgale de la drogue, le troisime, qui est plus rare, ce quÕon pourrait nommer la prohibition sociale.
i) Violence dÕtat
Le premier type est le plus important car cÕest lui qui dtermine lÕexistence du second et lgitime, dans une certaine mesure, lÕexistence du troisime. Il sÕagit de la violence mise en Ļuvre par les tats pour faire respecter les lois qui rendent illgaux la production, le trafic et la consommation de drogue. Cette violence est exerce par les forces de police et les appareils judiciaires, et de plus en plus, notamment sur le continent amricain, par les institutions militaires. CÕest ici le contrle de la consommation des drogues qui est raison de violenceŹ; les buts de la ĒguerreČ sont dÕen finir par la violence dÕtat avec la consommation de stupfiants dÕune proportion juge trop importante de la population. La violence dÕtat sÕexerce donc, divers degrs dÕintensit suivant les poques et les pays, contre les consommateurs de drogues, contre les trafiquants et contre les producteurs. La violence dÕtat nÕentrane pas toujours la mort de ceux qui elle est applique, ni mme de dommages physiques aux personnes. Elle se traduit souvent par la privation de libert. Les antcdents historiques les plus connus de lÕutilisation de ce type de violence sont les ĒGuerres de lÕopiumČ dans la Chine du XIX” sicle (1839-1842Ź; 1856-1858). LÕexemple actuel le plus criant de son emploi outrance est la ĒGuerre la drogueČ, la War on Drugs que mnent officiellement les tats-Unis depuis le milieu des annes 1980. La politique amricaine de contrle des stupfiants est en effet principalement base sur la rpression. Cette guerre Ēla drogueČ revient donc utiliser la violence lgitime de lÕtat contre les divers acteurs sociaux, et/ou les individus qui les intgrent, qui consomment, produisent et/ou font le commerce des stupfiants. Or, la lgitimit de lÕutilisation de la force comme principal moyen de lutte contre la drogue est fortement conteste aux tats-Unis du fait de son incapacit atteindre lÕobjectif fix, savoir une rduction significative de la consommation de drogues dans le pays[3]. Cet chec patent, dmontr publiquement et dnonc maintes reprises sur tous les tons depuis prs dÕune dizaine dÕannes par divers intellectuels et membres de la socit civile, nÕa eu que trs peu dÕimpact sur la ligne suivie par le gouvernement fdral et la majorit des tats en matire de drogueŹ: la mise en Ļuvre de la violence tatique continue tre le moyen de lutte privilgi. On peut, dans ces conditions, mettre lÕhypothse quÕil y a ici dtournement de lÕinstrumentalit de la violence de lÕtat : les objectifs annoncs par lÕtat ne seraient pas ceux qui sont effectivement poursuivis. Ainsi, la politique antidrogues amricaine servirait autre chose quÕ lutter efficacement contre la drogue, par exemple justifier lÕexistence dÕun budget important permettant lÕexistence des divers agences tatiques supposes combattre le phnomne et fournir un prtexte lÕinterventionnisme des tats-Unis, en particulier en Amrique latine. Mme sÕil est impossible de proposer une rponse dans le cadre de ce travail, on peut, dans ces conditions, sÕinterroger quant la lgitimit de la violence de lÕtat amricain, que de nombreux membres de la socit lui conteste.
ii) Violences conomiques: violence budgtaire et violence de march
LÕinterdiction, au dbut du XX” sicle en Occident, de la production, du commerce et de la consommation de drogue des fins non entrines par la science mdicale dominante a donn naissance un autre type de relation entre les drogues et la violence. Il est dÕordre conomique et peut tre subdivis en deux sous-catgories. Aucune de ces deux sous-catgories nÕa quoi que ce soit de lgal, mme si la premire peut impliquer des acteurs tatiques agissant au nom de lÕtat. On peut, dans ce dernier cas, parler de violence dÕtat non lgitime, ou en tout cas illgale. Ce type de rapport conomique entre drogue et violence dcoule du fait que le commerce de ces substances est extrmement profitable si on parvient sÕy livrer malgr lÕinterdiction, cÕest dire si on parvient viter ou tenir en chec la violence tatique.
La premire sous-catgorie rpond un impratif budgtaire de la violence organise, cÕest dire la guerre (civile ou extrieure). Ici, ce nÕest pas la consommation des drogues qui est la cause du conflit, la raison de la violenceŹ; cÕest le commerce des stupfiants qui est un instrument permettant la mise en Ļuvre effective de la violence, le plus souvent en servant financer des achats dÕarmes. CÕest la mme logique budgtaire[4] quÕon retrouve diverses poques et en divers endroitsŹ: depuis lÕimplication des services secrets franais pendant la guerre dÕIndochine, puis des espions amricains pendant la guerre du Vietnam dans le trafic dÕopium et dÕhroïne[5] et dans celui de la cocaïne dans la guerre anticommuniste en Amrique centrale pendant les annes 1980[6], jusquÕau trafic de cannabis, de cocaïne et dÕhroïne qui a contribu lÕeffort de guerre de nombre des factions aux prises en ex-Yougoslavie[7], en passant par le rle de lÕopium et de lÕhroïne dans la lutte opposant la dictature militaire birmane du State Law and Order Restoration Council (SLORC) divers groupes arms issus de minorits ethniques[8], la place des mmes substances dans la guerre entre les Sovitiques et la rsistance afghane[9], les Kurdes dÕanatolie et les autorits turques[10], les Albanais du Kosovo et le gouvernement de Belgrade[11], sans oublier les profits de lÕindustrie de la cocaïne dans le conflit opposant le Sentier lumineux et lÕtat pruvien[12], les gurillas colombiennes et le gouvernement de Bogota[13], etc.
La seconde sous-catgorie de rapport conomique entre drogue et violence provient de la ncessit pour les trafiquants de possder, et souvent de mettre en Ļuvre, un potentiel violent afin de faire respecter les ĒcontratsČ qui lient les diffrents agents participant au commerce et de se protger de la concurrence (qui inclut lÕtat). La violence est ici ncessaire car la prohibition de la drogue signifie non seulement que lÕtat cherche accaparer le ĒbienČ des trafiquants, mais en outre quÕil ne prend pas en charge la scurit des multiples transferts et arrangements qui sont autant de maillons, et de lieux de violence potentielle, dans la chane qui relie le producteur au consommateur. En fait, il sÕagit ici dÕune Ēviolence de marchČ, exerce par les agents conomiques sur eux-mmes et entre eux. LÕexemple sans doute le plus clbre et le plus spectaculaire de cette Ēviolence de marchČ est la ĒguerreČ qui a oppos, au dbut des annes 1980, les trafiquants Colombiens leurs homologues Cubains pour le contrle du march de la cocaïne de Miami, alors le plus grand du monde[14]. AujourdÕhui, les Caraïbes ont perdu leur prpondrance au profit de la frontire entre le Mexique et les tats-Unis. Et le nord du Mexique est le thtre de morts violentes en srie. LÕarrestation, puis ĒlÕexpulsionČ vers les tats-Unis en janvier 1996, dans des conditions plutt obscures, de Juan García Ábrego, le chef prsum de lÕune des plus puissantes organisations de trafiquants mexicaines Š le ĒCartel du GolfeČ Š, trs lie au gouvernement du prsident Salinas, nÕest sans doute pas trangre cette vague de dcs. Elle ressemble en effet fortement une redistribution du march de la contrebande de drogues en direction des tats-Unis[15] entre les grandes organisations criminelles, structures sur la base dÕune division hirarchique des tches Š dont lÕadministration de la violence fait partie Š qui lÕaccaparent[16]. Mais des versions chelle plus rduite de cette guerre des gangs, portant par exemple sur le monopole du deal sur un ĒblockČ dÕun ghetto amricain, se droulent presque quotidiennement dans nombre de grandes villes du monde. Notons en outre que lÕindustrie de la drogue caractrise par la Ēviolence de marchČ a favoris, notamment en Colombie, le dveloppement dÕun march de la violence, cÕest dire dÕune industrie de lÕassassinat, connue dans le pays sous le nom de sicariato. Les besoins en violence de lÕindustrie de la drogue colombienne ont contribu faire de la violence un service que lÕon rend contre de lÕargent. La violence est ici convertie en marchandise soutenant un mode de vie particulier, celui des sicarios, comme on nomme les jeunes garons qui vivent de lÕindustrie de lÕassassinat en Colombie[17]. Un march similaire, qui toutefois nÕatteint pas les proportions colombiennes, existe galement au Mexique o les trafiquants de drogues sont aussi de grands employeurs de ce quÕon appelle chez eux des pistoleros.
iii) Violence sociale
Enfin, il faut mentionner un troisime type de rapports entre drogues et violences induits par la prohibition. Je lÕai nomm Ēprohibition socialeČ car la violence est ici le rsultat de la volont de certains acteurs non-tatiques, ou en tout cas qui nÕagissent pas lgitimement au nom de lÕtat, dÕliminer physiquement les consommateurs et les petits dealers de drogues de leur environnement. Nous en avons trouv trace dans certains barrios des grandes villes colombiennes o sont actifs des Ēgrupos de limpieza socialČ, ou Ēgroupes de nettoyage socialČ qui sont organiss afin dÕliminer les fumeurs de basuko et les vendeurs de cette drogue. Ces derniers ne sont pas, toutefois, leurs seules victimes, et cette forme de violence nÕest donc pas exclusivement lie la drogue, mais elle semble tre assez particulire pour figurer ici.
b) Violence lie la consommationŹ: violence vcue volontairement sous influence
La seconde grande catgorie de rapports entre drogue et violence est beaucoup moins documente que celle examine dans les paragraphes prcdentsŹ: cÕest la violence vcue sous influence de la drogue. Cette catgorie inclut deux sous-groupesŹ: le premier est peupl des cas o la prise de drogue est sciemment instrumentalise afin de faciliter lÕaccomplissement de violencesŹ; elle vise par exemple stimuler lÕardeur dÕun soldat au combat ou le rendre inconscient du danger. Il sÕagit dÕune instrumentalisation offensive de la prise de drogue, la violence qui en rsulte partant de lÕindividu pour sÕappliquer lÕenvironnement. Le deuxime sous-groupe est caractris par une relation inverse entre lÕindividu et son environnement et comprend les cas o la prise de drogue sert supporter ce qui est vcu comme une agression extrieure. CÕest une instrumentalisation dfensive qui permet lÕindividu de faire face une violence, non de lÕexercer. CÕest ce second sous-groupe que nous dcrirons lors de la troisime partie lÕaide des informations de lÕtude ralise au Ghana.
i) Instrumentalisation offensive : Le modle des HaschischinsČ
Il apparat que le rapport instrumental offensif entre drogues et violences est un fait trs ancien. CÕest dans lÕhistoire, ou plutt, semble-t-il, dans la mythologie moyen-orientale quÕil faut en chercher les sources, cÕest pourquoi nous le baptiserons de Ēmodle des HaschischinsČ. Les Haschischins (dont est tymologiquement driv le terme ĒassassinČ), membres dÕune secte ismalite qui exista du XI” au XIII” sicle au Moyen-Orient, taient des fondamentalistes religieux qui combattaient, par lÕassassinat slectif -Źune sorte de terrorisme avant la lettreŹ- les seigneurs fodaux de la rgion. LÕaudace et la sauvagerie de leurs crimes taient telles quÕon les accusa, tort semble-t-il[18], de ne pouvoir les commettre que sous lÕinfluence du haschisch. La potion magique de Panoramix, le druide ami dÕastrix, le fameux personnage de bande dessine, qui donne aux Gaulois une force surhumaine leur permettant de rosser les Romains, est sans doute un avatar de cette ancienne reprsentation, importe en Europe par Le Livre des Merveilles de Marco Polo. Ce modle de relations entre drogues et violences, mme sÕil est bas sur un mythe, sÕavre utile pour dcrire ce quÕil est convenu dÕappeler la Ētoxicomanie de guerreČ, cÕest dire lÕutilisation de drogues servant stimuler lÕardeur au combat et/ou faire disparatre la douleur dues aux traumatismes physiques ou psychiques causs par la guerre. CÕest ici le premier cas qui nous intresseŹ: lorsque que la ncessit dÕinfliger la violence est perue comme si anormale quÕil faut sÕaider dÕun lment extrieur. Nous nÕavons trouv quÕun seul exemple dÕinformations publies illustrant ce modle lÕpoque actuelle. Il sÕagit des tmoignages de miliciens libanais recueillis par le psychiatre libanais Antoine Boustany en 1975 Beyrouth pendant la guerre. Un jeune milicien trait par Boustany lors dÕune crise de folie due lÕabsorption dÕune trop forte dose de haschisch et dÕalcool, lui confie quÕil avait pris lÕhabitude de fumer des joints, sur les conseils dÕun ami, pour Ēse sentir courageux, audacieux, intrpide, pour se dbarrasser de la peurČ et se faire ainsi bien voir de ses chefs[19]. Un autre, qui on avait confi le commandement dÕun poste particulirement difficile sur le front, et qui venait voir le psychiatre pour tenter de soigner sa dpendance de la cocaïne, lui dclareŹ: ĒEffectivement, ds que jÕen ai pris, docteur, jÕai senti mes forces dcupler, mon nergie nÕavait plus de limites [...] et le matin, aprs un combat de sept huit heures dÕaffile, je me sentais aussi leste et dispos quÕen dbut de soire.Č[20] Ce milicien avait confi auparavant Boustany que ce furent ses chefs qui lui avaient ĒconseillČ de prendre de la cocaïne et qui lui en fournissaient. Des journalistes, qui sÕtaient rendus en Bosnie et en Croatie pendant la guerre qui y a rcemment svi, mÕont galement dclar que nombre de combattants y faisaient usage de haschisch et dÕamphtamine, la cocaïne tant plutt rserve aux officiers. Au cours dÕune conversation que jÕai eue au Ghana en 1990 avec des rfugis libriens, mes interlocuteurs ont fait tat de lÕutilisation de la marijuana par les hommes des groupes arms qui sÕaffrontent dans ce pays. DÕaprs leurs tmoignages, lÕinfluence de la drogue expliquerait les atrocits auxquelles se sont livres les factions en prsence contre les populations civiles.
On peut, partir des donnes prsentes dans cette partie consacres aux liens entre consommation de drogues et mise en Ļuvre de violences, affirmer que lÕamalgame souvent effectu dans les discours officiels nÕest pas une pure fantaisie. Il semble bien que les individus mis en situation de devoir exercer des violences pendant de longues priodes, lors dÕune guerre par exemple, croient effectivement que la prise de drogue les y aidera. Que cette croyance, que nous avons qualifie de Ēmodle des HaschischinsČ, soit ou non base sur une ralit objective, cÕest dire que les drogues permettent chimiquement de faciliter lÕexercice de la violence par un individu, est un problme trs secondaire. Ce sur quoi nous voulons insister, en tout cas lÕhypothse que nous voudrions suggrer, partir de ces quelques exemples provenant dÕaires culturelles aussi diffrentes que lÕafrique, lÕEurope et le Moyen-Orient, cÕest que lÕexercice de la violence est ressenti comme quelque chose de tellement ĒinnaturelČ, quÕil implique une telle rupture avec le comportement normal des individus en socit, que ces derniers doivent souvent avoir recours un lment extrieur, une drogue, pour tre capables de sÕy livrer de faon rpte. Cette reprsentation des effets de la drogue est, semble-t-il, acquise par les combattants, qui y sont initis par leur pairs. Il sÕagit donc bien dÕun phnomne social, puisque cette reprsentation de la drogue facilitatrice de violence est propage par lÕinteraction sociale des individus.
Mme si la recherche en lÕtat ne permet pas de lÕaffirmer sans quivoque pour le Ēmodle des HaschischinsČ (ainsi que pour lÕinstrumentalisation dfensive que nous examinerons plus bas), on peut souponner quÕil sÕagit l dÕun phnomne dÕapprentissage similaire celui dcrit par Becker lorsquÕil parle des premires tapes de la carrire du fumeur de marijuana amricain des annes 1950. Becker montre en effet que le fumeur apprend Ēutiliser la marijuana pour le plaisirČ, lÕeffet de la drogue ne sÕimpose pas lui sans interaction sociale, Ēles explications psychologiques ne suffisent pas en elle-mme rendre compte de lÕusage de la marijuana, et [...] elles ne sont peut-tre pas ncessaires pour cela.Č[21] Il ne semble pas exagrer de penser que si un apprentissage est ncessaire pour fumer de la marijuana Ēpour le plaisirČ, comme dit Becker, ce type dÕinteraction sociale sera galement une condition sine qua non son utilisation pour exercer de la violence.
II) Usages du cannabis au Ghana
Pour qui connat le Ghana dÕaujourdÕhui, il paratra sans nul doute aberrant quÕon prenne ce pays en exemple dans un travail consacr la violence, y compris la violence lie au phnomne de la drogue SÕil fallait en croire les discours officiels voqus plus haut, ce petit pays dÕafrique de lÕOuest, indpendant depuis 1957, devrait connatre des taux de violence bien plus levs que ceux qui y prvalent effectivement. Non sans raison, lÕancienne Gold Coast britannique est tiquete dans toute lÕafrique de lÕOuest et au-del, comme exportateur de prostitues et dÕune marijuana rpute pour sa puissance[22], appele Ēabonsam tawaČ (le tabac du diable) dans le sud du Ghana. Certaines tudes font remonter lÕintroduction du cannabis dans le pays au milieu des annes 1940[23]. De plus, des Ghanens ont t lÕorigine du dveloppement de cultures de cannabis dans dÕautres pays et quÕils contrlent certains rseaux du trafic partir de ces pays. Le Ghana est en outre une importante plaque tournante, un Ēterritoire de transitČ dans le jargon des spcialistes, pour la rexportation dÕhroïne asiatique et de cocaïne sud-amricaine (principalement exporte du Brsil) en direction des marchs de consommation europens et nord-amricains. Une partie de ces drogues dures reste dans le pays et alimente un march local de la consommation en pleine croissance[24]. Le cannabis, comme les autres drogues, y est compltement prohibŹ: sa production et sa commercialisation sont punies de 10 ans de prison, sa consommation, de 5 ans[25]. De plus, LÕusage de la drogue est moralement condamn au Ghana, cette condamnation est trs forte et prvaut pour lÕensemble de la socit. On considre en gnral que les consommateurs de drogues sont des dvoys, des espces de dgnrs, ce qui permet de continuer entretenir lÕillusion confortable quÕils constituent une petite minorit de dviants. Il sÕagit de la survivance dÕune ralit ancienne, aujourdÕhui dcale avec la ralit. Malgr tout, le Ghana est certainement aujourdÕhui lÕun des pays les plus paisibles du monde et il semble donc constituer une exception la rgle qui veut que des liens existent immanquablement entre phnomne de la drogue et violence. Nous verrons quÕen fait de tels liens existent, mais quÕils se prsentent sous une forme diffrente de celles quÕon est habitu considrer.
Au contraire de lÕamrique andine (surtout Bolivie, Colombie et Prou) et de lÕasie (le Triangle dÕOr Š Laos, Thaïlande et BirmanieŹŠ et le Croissant dÕOr Š Iran, Pakistan et Afghanistan), o le phnomne a t tudi depuis longtemps et en dtail, la ralit africaine de la drogue reste encore en grande partie obscure. Les rares tudes pousses qui existent sont en gnral de type pidmiologique, cÕest dire quÕelles nÕenvisagent le problme de la consommation que dÕun point de vue sanitaire[26].
La section suivante sÕappuie sur les rsultats dÕune enqute sociologique de terrain mene dans le sud du Ghana, et principalement dans les quartiers populaires dÕaccra, la capitale, entre juin et juillet 1995. Outre des policiers, des douaniers et des mdecins, les personnes interroges pour cette tude taient des chauffeurs de taxi, des serveurs des restaurants, des bars et des botes de nuit (hupps et populaires) et leurs clients, des cireurs de chaussures, des ĒprostituesČ[27], et bien sr de fumeurs et de dealers de marijuana. LÕtude nÕa pas seulement pris en compte les entretiens des utilisateurs de cannabis. JÕai galement effectu des recoupements avec des articles de journaux, des conversations avec des personnes non directement lies au phnomne de la drogue[28], des observations que faites ailleurs, des donnes conomiques et sociales glanes dans divers ouvrages, etc. Il me semble avoir mis jour, par cette collecte dÕinformations Ētous azimutsČ, puis leur arrangement postrieur en un ensemble cohrent, une explication indite de la consommation de marijuana parmi les secteurs pauvres, et sociologiquement pertinente et importante car elle concerne la majorit des utilisateurs, au moins des utilisateurs urbains, de cannabis dans ce pays.
Dans les secteurs sociaux pauvres dÕaccra, et des grandes villes ghanennes en gnral, la vente et la consommation de marijuana se font dÕhabitude au mme endroit, souvent sur des terrains vagues ou lÕintrieur de btiments dsaffects ou en construction. DÕaprs les dealers et les fumeurs, les policiers ne viennent que trs rarement, car ces endroits sont situs dans des quartiers pauvres, dont la police se dsintresse gnralement (on dit galement quÕelle est paye pour fermer les yeux). Les policiers eux-mmes mÕont confi quÕils tolraient ces lieux, quÕils connaissent parfaitement, comme pratiquement tout le monde Accra (mme si tout le monde ne lÕavouera pas forcment). Mme si elles le dsiraient, la police et la justice nÕont de toute faon pas les moyens matriels dÕarrter et de juger tout ce monde, et les prisons sont dj surpeuples...
a) Rsultats
DÕaprs Borrofica[29] se seraient les soldats ghanens et nigrians ayant combattu dans les forces britanniques en Asie pendant la deuxime guerre mondiale qui auraient introduit le cannabis dans leurs pays respectifs de retour dÕInde, o ils taient bass et avaient appris utiliser la marijuana. Mais il est trs probable que cette thse soit errone car les rgions septentrionales du Ghana et du Nigeria actuelles ont t islamises ds le XV” sicle et elles sont traverses par des routes caravanires centenaires transportant des produits issus du monde arabo-musulman; leurs zones mridionales ont t parmi les premires d'Afrique subsaharienne tre connectes au commerce maritime europen (les premiers Europens s'tre install sur le continent subsaharien sont des Portugais, qui fondrent le fort de São Jorge da Mina, sur le site de l'actuelle ville ghanenne d'El Mina ds 1492). Dans tous les cas, le cannabis est aujourdÕhui cultiv et fum partout dans le pays. Ceci ne signifie pas que la production et la consommation se soient dveloppes avec la mme ampleur sur lÕensemble du territoire. CÕest initialement dans le sud du pays que les deux phnomnes ont atteint le plus dÕampleur, ce qui indique que le dveloppement du phnomne du cannabis est fortement li des raisons socio-conomiques. Le sud du Ghana, majoritairement chrtien ou animiste, est la rgion du pays la plus peuple et la plus dveloppe. Les changes y sont beaucoup plus montiss que dans le nord musulman ( la frontire du Sahel), trs pauvre et dpourvu dÕinfrastructure, o la principale activit conomique est lÕagriculture de subsistance. En revanche, depuis lÕarrive des premiers Europens Š des PortugaisŹŠ au XV” sicle, le sud est directement connect lÕconomie mondiale en tant quÕexportateur de matires premires. On exporta dÕabord de lÕor et de lÕivoire, puis des esclaves, des produits de la palme, plus tard du cacao, de la bauxite, des diamants et toujours de lÕor, sans oublier le cannabis. Pour des raisons lies aux cycles de vie des arbres de cacao, au mode de reproduction des cacaoyres, qui implique le dfrichement constant de nouvelles parcelles de fort vierge, et lÕpuisement des rserves ghanennes de fort vierge vers le milieu des annes 1960,[30] il est vraisemblable que les premiers cultivateurs grande chelle de cannabis aient t des planteurs de cacao qui trouvrent l un moyen de compenser la baisse de rendement de leurs plantations.[31] AujourdÕhui encore, les principales rgions de production du cannabis identifies par les autorits sont galement les plus importantes zones de production cacaoyre.
DÕautre part, on note que ce sont des militaires qui sont lÕorigine de son introduction dans le pays et que les premiers consommateurs de cannabis ghanens ont t des militaires, cÕest dire des gens devant accomplir des actions violentes, anormales dans la vie courante et requrant un tat dÕesprit particulierŹ: celui de surmonter la peur, dÕavoir du courage.
LÕusage de la marijuana est donc, ds lÕorigine, directement reli au Ghana ce quÕon pourrait appeler une reprsentation Ēutilitariste concrteČ des effets de la planteŹ: on ne fume pas pour se divertir, pour ĒsÕclaterČ, ni pour avoir des hallucinations ou de lÕinspiration (sauf dans le cas des artistes, ce qui nÕinvalide pas notre remarque, bien au contraireŹ: lÕinspiration est une ncessit vitale pour un artiste), ni pour atteindre un tat de conscience autre comme en Europe ou en Amrique du Nord dans les annes 1960/70, mais pour mener bien des activits, ressenties comme difficiles, qui touchent la survie mme du consommateur.
i) Identification des principaux secteurs sociaux consommateurs
Cette reprsentation utilitariste des effets du cannabis est encore en vigueur aujourdÕhui dans le paysŹ: la majorit de nos interlocuteurs justifiaient leur usage du cannabis en disant quÕil leur donnait de la force et leur permettait de travailler dur. La consommation de marijuana est donc sous-tendue par une ncessit concrte quelconque, en gnral relie au besoin de gagner sa vie ć ce qui peut parfois signifier passer outre un tabou : voler, se prostituer, et dans le cas des militaires, tuer ou au moins risquer sa vie. Mais gagner sa vie pour la majorit des Ghanens pauvres, cÕest souvent Ēplus simplementČ devoir travailler de trs longues heures dans la chaleur moite, dans une plantation ou sur un chantier, dans un taxi, arpenter les rues pour trouver un client si on est vendeur de journaux ou cireur de chaussures... Bref, dans des conditions difficiles, en ne faisant souvent quÕun repas par jour, rarement accompagn de viande, en vivant dans des habitations souvent insalubres et surpeuples. AujourdÕhui encore, les principaux utilisateurs du cannabis en milieu urbain, et les plus nombreux, restent les soldats, les dockers, les chauffeurs routiers et leurs assistants (driversÕ mates), les cireurs de chaussures (en gnral des enfants qui dorment dans la rue), les marchands la sauvette, les ouvriers travaillant dans la construction, les policiers en faction durant la nuit, les ĒwatchmenČ (cÕest dire les gardiens des maisons des riches, qui doivent thoriquement veiller toute la nuit, et sont parfois amens affronter les cambrioleurs) les prostitues, les voleurs, et bien sr les dealers, etc. La consommation de cannabis dans les campagnes semble galement rpondre au modle utilitariste, on peut du moins lÕinfrer au vu de divers tmoignages qui ont indiqu que les ouvriers agricoles des plantations de cacao, les petits paysans marachers et autres, les pcheurs, et les petits mineurs dÕor indpendants (appels galamsey) fumaient de la marijuana. Ce groupe, quÕon pourrait appeler le Ēpetit peupleČ constitue la majorit des personnes vivant au Ghana.
Un usage rcratif de la marijuana existe nanmoins au Ghana, mais il est le fait des riches, surtout des jeunes issus de familles de propritaires terriens ou dÕentreprises commerciales, membres des professions librales, hauts fonctionnaires et politiciens, ainsi que des jeunes expatris occidentaux, libanais et indiens. Des professeurs dÕuniversit, qui font plutt partie des classes moyennes, mais qui ont souvent t forms en Occident ou dans ce qui tait lÕUnion sovitique (principalement lÕUniversit Patrice Lumumba de Moscou) comptent galement au nombre des usagers rcratifs, auxquels il faut ajouter nombre des touristes occidentaux qui viennent de plus en plus nombreux passer des vacances au Ghana. Ces Ēconsommateurs rcratifsČ, que ce soit la Ējeunesse doreČ locale rencontre dans les bars et les botes hupps et la mode dÕaccra, les expatris qui frquentent les mmes endroits, les universitaires ou les touristes, sont largement minoritaires et ne sont absolument pas reprsentatifs de la socit ghanenne. Ils sont en fait un petit groupe de privilgis.
On peut donc dire que, majoritairement, la consommation de la marijuana nÕappartient pas, au Ghana, au domaine des loisirsŹ: bien au contraire, de lÕaveu mme des consommateurs, le cannabis est un complment, une aide la vie professionnelle des secteurs dfavoriss, un peu comme la cocaïne dans certains milieux professionnels occidentaux, les financiers et les gens qui travaillent dans les mdias par exemple. On fume pour se faire violence, pour supporter quelque chose qui est ressenti comme tranger lÕtat normal, hors de luiŹ: un travail peru comme tant particulirement difficile, un acte violent, mais ncessaire la survie. Tous les consommateurs ne fument pas forcment tous les jours, certains ne disposent des moyens financiers ncessaires lÕachat du produit, ou ne ressentent la ncessit de fumer, quÕoccasionnellement. CÕest donc dÕabord vers les couches de la population effectuant des travaux perus comme difficiles ou dangereux, souvent juste titre[32], quÕil faut chercher les foyers majeurs de consommation de la marijuana.
La diffusion originelle de la culture de la plante dans le pays sÕest donc vraisemblablement dÕabord faite pour rpondre cette demande interne manant en premier lieu des secteurs dfavoriss (jusquÕau milieu des annes 1960, ils taient constitus essentiellement dÕmigrs provenant de lÕtranger ou du nord du Ghana), puis des classes hautes (qui reproduisirent le mode de consommation rcratif hrits des Occidentaux, dont ils partagent le mode de vie), puis des classes moyennes. Ces dernires ont subi un processus soutenu de pauprisation, qui a commenc la fin des annes 1960 et ne sÕest achev quÕau milieu des annes 1980. Les classes moyennes ont t touches de plein fouet par une crise conomique qui a dur une quinzaine dÕanne, et dont les effets ont t encore accentus par lÕincurie et la corruption des divers gouvernements civils et militaires qui se sont succds pendant cette priode. Ce processus de pauprisation des classes moyennes les a rapproch des classes pauvres traditionnelles et a sans doute pouss les premires adopter la reprsentation utilitariste concrte des effets du cannabis prvalant chez les secondes.
DÕaprs les policiers, ce serait environ 15% de la population qui utiliserait le cannabis. Sachant que le Ghana comptait en 1993 environ 16,5 millions dÕhabitants[33], on arrive un chiffre de 2Ź750Ź000 consommateurs. Il est difficile de juger de la prcision dÕune telle estimation, mais on peut tout de mme remarquer quÕelle est suprieure celle qui est dÕhabitude donne pour les pays dvelopps, soit environ 10% de la population (entre 4 et 6 millions de consommateurs en France Š pour une population de 55 millions Š et entre 20 et 30 millions aux tats-Unis Š pour une population de 250 millions), ce qui nÕest pas forcment tonnant dans un pays producteur o existe une forte connexion entre la consommation du cannabis et lÕactivit professionnelle de personnes conomiquement dfavorises, cÕest dire actuellement la grande majorit des Ghanens. DÕautre part, il faut noter que le prix de la marijuana vendue au dtail au Ghana est assez bas, compte tenu du pouvoir dÕachat du ghanen moyen. Le salaire mensuel moyen au Ghana est de 50.000 cdis (1 dollar valait 1200 cdis en juillet 1995, il vaut encore plus aujourdÕhui car lÕinflation est forte au Ghana). La plus petite unit de commercialisation de la marijuana au Ghana est appele ĒwrapČ ou ĒwrapperČ et cote 100 cdis. Il sÕagit dÕune dose prte fumer qui contient de 3 5 grammes dÕherbe envelopps dans le morceau de papier, dcoup dans une feuille de papier dactylo, trs fin qui servira la fumer (dÕo son nomŹ: le verbe anglais to wrap, emballer, signifie en pidgin ghanen rouler une cigarette ou un joint). A titre de comparaison, une cigarette vendue au dtail, de marque Rothmans, Embassy ou 555, toutes marques fabriques au Ghana, cote 50 cdis et un petit verre, ou ĒshotČ, dÕakpeteshe, lÕeau de vie locale, cote 100 cdis. Le wrap est lÕunit de commercialisation la plus utilise par les consommateurs utilitaristes concrets.
Pour 1000 cdis, soit le prix dÕun paquet de cigarettes de lÕune des marques susmentionnes (une bouteille de bire, brasse au Ghana, de 75 centilitres, cote entre 600 et 800 cdis) on peut acheter un ĒpacketČ, contenant principalement des sommits florales, encore en branche, et pesant environ 30 grammes. LÕherbe est ici emballe dans un morceau de sac de ciment, qui nÕest pas utilis pour fumer.
III) Consommation de cannabis et violence de la modernit
DÕaprs les rsultats prsents dans la partie prcdente, et en reprenant la typologie tablie dans la premire partie, on peut classer les consommateurs de cannabis ghanens en trois catgories. La premire est constitue des utilisateurs rcratifs, dont nous avons vu quÕils se recrutaient principalement parmi les secteurs privilgis, en tout cas aiss, de la socit. Ils constituent ĒlÕliteČ ghanenne, une minorit numrique, et sont le plus souvent coups des ralits quotidiennes de la majorit de la population. On peut considrer que leur mode de consommation du cannabis constitue une reproduction de celui prvalant dans les pays occidentaux o la marijuana et le haschisch sont fums surtout lors de moments de dtente, de loisirs, en tout cas dÕinactivit. Cette utilisation de la plante est lie une recherche du plaisir. Habitant lÕafrique, cette lite socio-conomique la tte ailleursŹ: elle partage dans une trs large mesure les modes de consommation et les structures mentales qui prvalent en Occident, soit parce que ces membres en sont directement issus (touristes, expatris occidentaux) soit parce quÕils ont les moyens et quÕils dsirent imiter ce qui constitue, cÕest en tout cas trs clairement le cas au Ghana, le modle dominant de mode de vie adopter (expatris indiens et libanais, riches ghanens Š hauts fonctionnaires, politiciens, propritaires de terres ou dÕentreprises commerciales), soit parce quÕils ont t forms dans les pays riches (expatris indiens et libanais Š dont beaucoup ont fait des tudes en Angleterre, aux tats-Unis et en France Š, universitaires, riches ghanens). Le mode rcratif de consommation du cannabis prvalant dans ce groupe nÕentretient aucun rapport avec la violence, et donc avec lÕargument dfendu ici.
Les modes de consommation des deux autres catgories, en revanche, peuvent tre dfinis par rapport aux relations quÕils entretiennent avec la violence. Pour ce faire, il faut couper en deux groupes la catgorie des consommateurs Ēutilitaristes concretsČ prsente plus haut afin de prciser les relations que ses membres entretiennent avec la violence.
En utilisant les deux sous-reprsentations inclues dans la catgorie Ēviolence lie la consommationŹ: violence vcue volontairement sous influenceČ de notre typologie, savoir le Ēmodle des HaschischinsČ, caractris par une instrumentalisation offensive de la prise de cannabis, cÕest dire la consommation de cannabis pour exercer une violence vers lÕextrieur, et le modle de ĒlÕinstrumentalisation dfensiveČ o le cannabis sert supporter une violence exerce depuis lÕextrieur sur lÕindividu, on peut classer les consommateurs de cannabis ghanens non rcratifs en deux groupes. Rappelons que le modle des Haschischins et lÕinstrumentalisation dfensive tombent dans la mme catgorie conceptuellement suprieureŹ: celle ou les effets perus du cannabis rpondent au besoin dÕexercer une activit ĒinnaturelleČ, hors des capacits normales de celui qui sÕy livrent et ncessitant de ce fait une aide extrieure pour pouvoir tre mene bien.
On peut inscrire les premiers sous le modle des Haschischins. Ce modle intgre tous ceux dont lÕactivit conomique, cÕest dire la survie, dpend de leur capacit exercer une violence. Ce groupe inclut donc les militaires (dont un contingent roulant est en situation de combat dans le cadre de la force dÕinterposition ouest-africaine au Liberia, lÕECOMOG) et les watchmen. Nous incluons galement dans ce sous-groupe les cambrioleurs (le cambriolage nÕest pas forcment leur seule activit conomique, mais lorsquÕils sÕy livrent, ils entrent dans ce sous-groupe). Ces derniers nÕexercent pas systmatiquement de violence contre des personnes lors de leurs activits, mais ils peuvent tre amen le faire pour sÕchapper sÕils sont dcouverts. De toute faon, leur activit comporte un caractre offensif, une violence exerce contre la proprit dÕautrui. De plus, les cambrioleurs ont besoin de courage car ils risquent toujours de se faire prendre, ce qui peut signifier parfois livrer un combat mort, en tout cas risquer de graves blessures (les watchmen sont arms dÕarcs tirant des flches empoisonnes, de machettes et de casse-tte. Il nÕexiste en outre aucune compassion envers les voleurs au Ghana). La violence est ici latente. On peut penser que les policiers fumeurs entrent galement dans cette catgorie. Toutefois, leur statut est plus ambigu. En effet, les cas de consommation de cannabis parmi les policiers que jÕai personnellement t amen constater, tendraient plutt les faire entrer dans le groupe des ĒdfensifsČ. Les policiers que jÕai vu fumer taient en faction de nuit aux barrages routiers systmatiquement en place aux croisements stratgiques des rseaux routiers urbains et lÕentre des villes principales. Je nÕai pas pu les interroger, mais il est possible quÕils considrent les effets du cannabis comme plutt dfensifs, les instrumentalisant afin de supporter une longue veille dans des conditions difficiles. Mais le but officiel des barrages est de dcourager dÕventuelles tentatives de coup dÕtat, et les policiers en faction pourraient donc tre amens exercer une violence. Nous les classerons donc tout de mme dans le groupe rpondant au modle des Haschischins
En termes socio-conomiques, ce premier sous-groupe est donc constitu dÕindividus qui appartiennent majoritairement des secteurs moyens-bas (les soldats et les policiers de base), cÕest dire quÕils ne sont pas confronts de grandes difficults conomiques, quÕils mangent leur faim, ont un logement assez dcent, et quÕils peuvent peut-tre mme faire quelques conomies du fait quÕils sont logs et nourris par leur employeur. Ils sont toutefois issus de milieux ruraux ou urbains pauvres en termes socio-conomiques et culturels. Les autres, les voleurs et les watchmen (trs frquemment des migrs provenant dÕautres pays ou du nord-Ghana) appartiennent en revanche aux secteurs pauvres, conomiquement faibles, et socialement dconsidrs. Ils ont souvent plus dÕun emploi, tant formellement au travail plus de douze heures par jour[34]. Leur travail leur permet dÕavoir un logement (petit, insalubre et quÕils doivent en gnral partager avec plusieurs autres personnes) et de manger (mais rarement de la viande, trs chre au Ghana).
Le second sous-groupe instrumentalisant les effets du cannabis des fins impliquant la violence le fait pour des raisons dfensives et ses membres se recrutent parmi les secteurs socioconomiquement dfavoriss. Il est le plus intressant analyser car il nÕa, que je sache, jamais t document ou tudi. Cela est sans doute d au fait que dÕune part la consommation de cannabis est en gnral un phnomne clandestin, donc difficile apprhender. Peut-tre galement un relatif dsintrt existe-t-il lÕgard de la consommation du cannabis au Ghana et en Afrique en gnral. En outre, la consommation de drogues en gnral, et de cannabis en particulier, nÕest souvent tudie que sous lÕangle sanitaire ou en ce quÕelle favorise le trafic. On lÕexplique gnralement rapidement comme un besoin de fuir la ralit ou la recherche dÕun plaisir, considr comme illicite. Or, cette consommation est plus problmatique que cela et il est sociologiquement important dÕtudier ce phnomne quÕon ne voit pas, dont on ne parle pas, ou si peu, et sans vraiment chercher comprendre, car, au moins dans le cas du Ghana, il touche la survie dÕun grand nombre de personnes appartenant aux secteurs dfavoriss, cÕest dire lÕimmense majorit de la population.
Ce sous-groupe comprend donc, parmi les groupes professionnels identifis dans la deuxime partie (mais il y en a srement dÕautres)Ź: les dockers, les chauffeurs routiers et leurs assistants, les chauffeurs de taxi[35] les cireurs de chaussures, les marchands ambulants, les journaliers trouvant sÕemployer au march ou sur des chantiers, etc. Bref, toutes les personnes ayant un emploi prcaire, mal rmunr et impliquant en gnral un effort physique important et soutenu sur une longue priode. Pour eux, les effets du cannabis servent supporter un travail quÕils peroivent comme difficile, une activit conomique trs ardue mais ncessaire la survie. La violence implique dans ce sous-groupe est celle de lÕenvironnement sÕexerant sur les individus. Elle est prsente dans les conditions de travail trs dures (en Europe, on les qualifieraient dÕinacceptables) quÕils doivent affronter quotidiennement, pendant de longues journes, pour des salaires de misre permettant dans la majorit des cas, mais pas toujours, tout juste de manger et de se loger. Ceux qui le peuvent exercent plus dÕun emploi, et cÕest mme souvent ncessaire la simple survie, surtout si on a une famille, ce qui rallonge les journes. Les pressions conomiques qui sÕexercent sur ces secteurs, se traduisent galement en pressions sociales. Si, pour nourrir sa famille, il faut travailler 15 heures par jour, et si la majorit de la population le fait effectivement, il se forme une pression sociale poussant les individus culpabiliser sÕils ne parviennent pas travailler aussi dur que le voisin. DÕo, un argument supplmentaire pour avoir recours au cannabis.
La consommation du cannabis est lie aux conditions de travail, donc de survie de ce qui constitue la majorit des Ghanens. Ces conditions de travail dpendent directement de lÕexploitation laquelle est soumise la majorit au sein dÕune conomie caractrise par la pnurie (le produit national brut par habitant du Ghana tait de 430 dollars en 1993, il tait en France la mme anne de 22.360 dollars) et la rpartition ingale des richesses[36]. Le Ghana est lui-mme soumis exploitation par le systme conomique mondial, qui le cantonne dans un rle dÕexportateur de matires premires. Cette double exploitation conomique embote pour consquence des conditions de vie extrmement difficile pour la population. La consommation du cannabis sous-tendue par une reprsentation dfensive des effets de la plante qui prvaut chez les pauvres du Ghana est rvlatrice de ce que jÕappellerai la violence de la modernit. On fume du cannabis pour affronter cette violence, la supporter et survivre. La violence de la modernit se traduit, pour les pauvres ghanens, par lÕimposition de conditions de travail extrmement difficiles dans le cadre dÕun systme dÕexploitation capitaliste outrance nÕoffrant dÕautre alternative que la soumission. La destruction des liens de solidarit familiaux et/ou communautaires, la montisation des changes tendue presque tous les aspects de la vie sociale (mme sexuels et amoureux) tendent rendre le recours lÕargent comme une solution tous les problmes. Si Becker pouvait montrer, dans les annes 1950, que la dviance lie la consommation de marijuana Ēmarchait double sensČ, cÕest dire que les fumeurs, tiquets comme dviants par lÕopinion majoritaire, se complaisaient dans ce statut en produisant leur tour une justification leur utilisation de la plante fonde sur un rejet des normes prvalant pour la majorit[37], le cas de la consommation dfensive ghanenne illustre un tout autre processus. Si les fumeurs ghanens sont bien tiquets comme dviants par le reste de la population, ils ne produisent pas de justification de rejet des normes sociales majoritairement acceptes. Leur consommation est au contraire justifie par le besoin de sÕinscrire dans la droite ligne de la norme qui fait du travail, et du travail dur, non seulement une ncessite pour survivre, mais une valeur socialement prise. Pour se conformer cette valeur, il est ncessaire de passer outre la pression morale dmonisant lÕutilisation de la drogue en gnral, et du cannabis en particulier. Les consommateurs ghanens de cannabis sont ainsi soumis une double oppression, deux formes de violence qui, semble-t-il, sont lÕexpression de la violence de la modernit. Ici, la violence de la modernit se traduit par les conditions de survie dplorables auxquelles est soumise la majorit des Ghanens, et par la violence de la prohibition, instaure au XX” sicle laquelle les consommateurs de cannabis sÕexposent en fumant. Il est ironique de constater que les agents sociaux chargs de la rpression du phnomne de la drogue (les policiers et les militaires) et de garantir la prennit du systme dÕexploitation en vigueur, sont issus des mmes groupes socio-conomiques que les exploits quÕils sont chargs de rprimer, et quÕils doivent eux-mmes souvent avoir recours au cannabis pour accomplir leur tche.
[1] LE BOT, Y.Ź: Violence de la modernit en Amrique latine. Indianit, socit et pouvoir, ditions Karthala, Paris, 1994.
[2] JÕutilise le terme de Ēphnomne de la drogueČ afin dÕenglober toutes les facettes de ce phnomne total qui touche lÕconomie, au politique, au social et au culturel.
[3] Voir, entre nombre dÕautres, BAGLEY, B. : ĒUS Foreign Policy and the War on Drugs: Analysis of Policy FailureČ, in Journal of Interamerican Studies and World Affairs, vol. 30, Nos. 2 & 3, Summer/Fall 1988; ANDREAS, P., BERTRAM, E., BLACHMAN, M. & SHARPE, K. : ĒDead-end Drug WarsČ, in Foreign Policy, No. 85, Winter 1991-1992; McCOY,A. & BLOCK, A.Ź: ĒU.S. Narcotics Policy: An Anatomy of FailureČ, in McCOY & BLOCK (eds.)Ź: War on Drugs: Studies in the Failure of U.S. Narcotics Policy, Westwiew Press, Boulder & Oxford, 1992, pp. 1-20.
[4] Cette Ēlogique budgtaireČ liant drogues et violences politiques sert de base une tentative dÕtablissement de la Ēgopolitique des droguesČ en tant que domaine spcifique dÕtude dans LABROUSSE, A. & KOUTOUZIS, M.Ź: ĒGopolitique et Gostratgies des DroguesČ, Economica, Paris, 1996, en particulier pp.Ź23-35.
[5] McCOY, A. : The Politics of Heroin: CIA Complicity in the Global Drug Trade, Lawrence Hill Books, New York, 1991, pp. 127-261.
[6] DALE SCOTT, P. & MARSHALL, J. : Cocaine Politics: Drugs, Armies and the CIA in Central America, University of California Press, Berkeley and Oxford, 1991.
[7] ĒBOSNIE-HERZGOVINEŹ: ĒFdration de rseaux politicomafieux Č, in La Dpche internationale des drogues, N”56, juin 1996 (cit dornavant comme ĒLa DpcheČ).
[8] LINTNER, B. : ĒHeroin and Highland Insurgency in the Golden TriangleČ in McCOY & BLOCK (eds.), op. cit., pp. 281-318 pour une vue dÕensemble. Pour lÕun des pisodes les plus rcents du conflit birman, voir ĒBIRMANIEŹ: LÕhritage de Khun SaČ, in La Dpche, N”55, mai 1997.
[9] LIFSCHULTZ, L. : ĒPakistan: The Empire of HeroinČ, in McCOY, A. & BLOCK, A. (eds.), op.cit. pp. 319-357; et McCOY, A., op. cit., pp. 436-460.
[10] ĒGuerre y privatisationsČ, in La Dpche, N”48, octobre 1995; ĒTURQUIEŹ: la drogue dans la guerre sale Č et ĒDu PKK aux fondamentalistesČ, in ibidem, N”40, fvrier 1995; et ĒTURQUIEŹ: Les tentations de lÕarmeČ, in ibidem, N”37, novembre 1994.
[11] ĒMACEDOINEŹ: De la poudre et des balles pour la ĒGrande AlbanieČČ, in ibidem, N”32, juin1994.
[13] PROLONGEAU, H.Ź: ĒVoyage lÕintrieur des gurillas colombiennesČ, in Le Monde Diplomatique, Avril 1996, pp. 8-9; pour une analyse du fonctionnement concret de lÕindustrie de la cocaïne et des plantations de pavot dans les zones contrles par las Forces armes rvolutionnaires de Colombie (FARC), voir OGD, op. cit., pp. 216-217; et OGDŹ: La drogue nouveau dsordre mondial, Pluriel intervention, Hachette, Paris, 1993, p. 269.
[14] EDDY, P. with SABOGAL, H. & WALDEN, S. : The Cocaine Wars, Bantam Books, New York, 1989.
[15] Sur la violence dans le nord du Mexique, voir par exempleŹ: ĒViolencia en ascenso en Tijuana y SinaloaČ, in La Jornada, 7/2/1996 (dÕaprs cet article 25 personnes ont t assassines lÕaide dÕarmes feu dans lÕtat de Sinaloa, dont la capitale est Culiacán, en janvier 1996. Durant le mme mois, 72 personnes ont connu une mort violente Tijuana, dont 50 par balles); et ĒAsesinan a dos ex policÕas en BC y Morelos; en Juárez, otro ejecutadoČ, in ibidem, 17/5/1996 (59 assassinats Ciudad Juárez depuis le dbut de 1996). Sur la capture et ĒŹlÕexpulsionŹČ de GarcÕa Abrego, voir par exemple ĒGarcÕa Abrego entregado a EUČ, in ibidem, 16/1/1996Ź; sur sa carrire de trafiquant de drogues, voir ĒSe le atribuye una fortuna de 10 mil mdd, etc.Č, in ibidem. Sur ces relations avec de hauts fonctionnaires et des ministres du gouvernement de Carlos Salinas, voir ĒMEXIQUE: les narcos au sommet de lÕtatČ, in La Dpche, N”43, mai 1995; ĒIndemne aģn, la estructura polĶtica y policiaca que volvió poderoso a GarcÕa AbregoČ, in Proceso, N”1003, 8/1/1996; et LANIEL, L.Ź: ĒPushing NAFTA? The Trafficking of Illicit Drugs and International Relations in the Americas. A Case Study of Mexican-U.S. Relations, 1988-1994Č, in The South in the Global Political Economy of Illicit Drugs, Ahmadu Bello University Press, Zaria, Nigeria, 1997.
[16] CÕest du moins ce qui ressort de la description que fait la Drug Enforcement Administration (DEA)Źdes cartels de la drogue mexicainsŹ: voir la dposition de Thomas Constantine, patron de la DEA, devant la Commission des Affaires trangres du Snat en aot 1995Ź: Statement by Thomas A. Constantine, Administrator, Drug Enforcement Administration, United States Department of Justice, before the Senate Foreign Relations Committee regarding International Drug Trafficking Organizations in Mexico, Washington, D.C., August 8, 1995.
[17] Sur le sicariato et ses liens avec lÕindustrie de la cocaïne colombienne, voir entre autresŹ: CAMACHO GUIZADO, A. & GUZMÁN BARNEY, A. : Colombia: Ciudad y violencia, Ediciones Foro Nacional, Bogotá, 1990; SALÁZAR, A. & JARAMILLO, A. : Medellín: Las subculturas del narcotráfico, CINEP, Santaf de Bogotá, 1992; y CASTILLO, F. : Los jinetes de la cocaína, Editorial Documentos Periodísticos, Bogotá 1987.
[18] CÕest du moins lÕopinion dÕantoine BOUSTANY, exprime dans son Histoire des paradis artificiels, Hachette Pluriel, Paris, 1993, pp. 101-110.
[19] ibidem, p. 178.
[20] ibidem, p. 182.
[21] Voir le chapitre 3 ĒComment on devient un fumeur de marijuanaČ in BECKER, H.S.Ź: Outsiders, ditions A.M. Mtaili, Paris, 1985 (1963), les citations proviennent des pages 65 et 66, respectivement.
[22] Cette rputation nÕest pas surfaite, mais ces ĒexportationsČ sont, aujourdÕhui en Afrique de lÕOuest, loin dÕtre lÕexclusivit du Ghana. Voir ĒGHANAŹ: La Cte de lÕOr vertČ, in La Dpche, n”46, aot 1995.
[23] BORROFICA, A.: ĒMental Illness and Indian Hemp in Lagos, NigeriaČ, in East African Medical Journal, 43, 1966, pp. 379.
[24] ĒGHANAŹ: les fticheurs au secours du trafic Č, in La Dpche, n”46, aot 1995; et le chapitre sur le Ghana in OGDŹ: tat des drogues, drogue des tats, Pluriel Intervention, Hachette, Paris, 1994, pp. 107-108.
[25] PNDC Law 236: Narcotic Drugs (Control, Enforcement and Sanctions) Law, 1990, Part I, section 3 (1), (2), (3) et (4), section 4 (1) et (2) et section 5 (1) et (3).
[26] Citons par exemple BORROFICA, A., op.cit.; NORTEY, D.N.A. et SENAH, K.A., Epidemiological Study of Drug Abuse among the Youth in Ghana, Accra, UNESCO, 1990; y KLEIN, A.Ź: ĒTrapped in the Traffic: Growing Problems of Drug Consumption in LagosČ, in The Journal of Modern African Studies, vol. 32,Źn”4, 1994. Notons tout de mme que quelques travaux ont t consacrs la production et au trafic, comme FOTTORINO, E.Ź: La piste blancheŹ: lÕafrique sous lÕemprise de la drogue, Balland, Paris, 1991; ainsi que les chapitres consacrs lÕafrique dans les rapports annuels publis depuis 1993 par lÕOGD en 1993, 1994 et 1995 et 1996 (voir bibliographie ci-dessous).
[27] Les guillemets se justifient car la notion de prostitution est extensible au Ghana, comme en Afrique de lÕOuest en gnral dÕailleurs. Outre les personnes, surtout des femmes bien sr, mais aussi des hommes, vivant exclusivement de la prostitution telle quÕon la connat en Europe, de nombreuses jeunes personnes ne se prostituent que le week-end, ou seulement lorsquÕelles ont un besoin pressant dÕargent. Des tudiantes et des lycennes, partir de 14 ans, sÕy livrent aussi, pour payer leur inscription. Pour des tmoignages sur ce dernier cas, voirŹ: ĒMore Students Become Prostitutes, Parts I and IIČ, in The Student Feeler, weekending June 20 et weekending June 27, 1995, Accra.
[28] Notamment en ce qui concerne lÕidentification en tant que principaux consommateurs de groupes socioprofessionnels dont je nÕai personnellement rencontr aucun membreŹ: les mineurs et les ouvriers agricoles, par exemple.
[29] BORROFICA, op. cit., p. 377.
[30] RUF, F. : Booms et crises du cacao. Les vertiges de lÕor brun, Ministre de la Coopration-CIRAD-Karthala, Paris, 1995.
[31] LONARD, E.Ź: ĒCrise des conomies de plantation et essor du trafic de cannabis en Afrique de lÕOuest. Une mise en perspective des cas ivoirien et ghanenČ, doc. dactylo., Paris, 1996.
[32] Par exemple, un voleur pris sur le fait risque le lynchage, un cambrioleur dÕtre tu ou gravement bless par les gardiens de la maison ĒvisiteČ. Au mieux, il sera arrt par la police et pass tabac et, suivant les poques, excut aprs son jugement.
[33] DÕaprs The World Bank Atlas 1995, Washington, 1994, p. 8.
[34] Les watchmen travaillent en gnral de 6 heures du soir 6 heures du matin et exercent souvent aussi un emploi pendant la journe, par exemple dans le commerce informel, ce qui provoque parfois les remontrances, voire la colre, de leurs employeurs de nuit, qui les retrouvent frquemment assoupis... lorsquÕils rentrent de soires bien arroses en bote de nuit.
[35] Les chauffeurs de taxi possdent rarement leur outil de travail. Ils sont employs par le propritaire du vhicule quÕils conduisent sur la base dÕun contrat selon lequel ils sÕengagent chaque jour verser au ĒmasterČ, le patron, une somme fixe lÕavance, quÕils gagneront par les courses quÕils effectuent. Ils tirent leur salaire des courses supplmentaires celles permettant de payer le loyer du vhicule. Leurs revenus sont donc alatoires, et poussent travailler de longues heures. De nombreux chauffeurs de taxi ont aussi un autre emploi.
[36] The World Bank Atlas 1995, op. cit., p.18.
[37] Voir la section du chapitre 4 intitule ĒmoralitČ in Becker, op. cit., pp. 96-102.
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